Publié le 17 mars 2022 | par Jean-Pierre Durand

Le droit à déduction de la TVA de l’essence est désormais “normalisé”. Après la récupération de la TVA à 80% pour les VP et les VUL, acquise l’an dernier, la TVA de l’essence consommée par les VUL devient en 2022 récupérable à 100%.

Contrairement aux autres carburants consommés par les véhicules de l’entreprise, l’essence n’était jusqu’en 2016, admise à aucune récupération de TVA, y compris quand cette essence était consommée par des VUL, pourtant, eux mêmes, éligibles au droit à déduction (à 100%). Cette exclusion de l’essence du droit à déduction renvoyait aux origines de la TVA (1954) alors que les véhicules de tourisme étaient presque exclusivement à essence ce qui assimilait de facto l’essence à un carburant “de tourisme”. On connait la suite : les crises pétrolières des années 70 … l’évolution technologique des diésels (essentiellement en Europe) et la conversion croissante du parc dès le début des années 80 à cette motorisation économique.

Dès lors, plus personne ne s’était réellement ému de cette incongruité fiscale. Ni les entreprises puisqu’elles roulaient au gazole ni les particuliers puisque, non-assujettis à la TVA, ils n’avaient rien à récupérer.

Détester le diesel a fait aimer l’essence !

Étrangement, c’est à l’écologisme, que les entreprises doivent ce qu’il faut bien appeler une mesure de défiscalisation (certes très partielle) de l’essence. Après avoir longtemps ramé à réclamer la suppression du droit à déduction pour le gazole, que ne permet pas le droit européen, les parlementaires écolos se sont résolus fin 2016, à plaider pour un “rééquilibrage fiscal” qui passait par le droit à déduction pour l’essence. Il eut été prudent de s’inquiéter du contre-effet de “promotion de l’essence” eu égard aux émissions de CO2, mais la propagande ne s’embarrasse pas de nuances.

La majorité de l’époque a fini par convenir d’une programmation pluriannuelle qui engageait surtout la législature suivante. En 2022, nous sommes arrivés à l’ultime étape de cette programmation. La TVA de l’essence se récupère désormais à 80% pour les VP et à 100% pour les VUL. Et c’est irréversible ! La France a payé pour s’en souvenir après  avoir tenté en 1998 de supprimer les 80% de déduction du gazole, ce qui lui avait valu une condamnation de la CJCE (14 juin 2001, C-345/99) et un retour obligé à la case départ.

Des clauses de gel depuis 1977

En effet, si dans l’Union Européenne, la fiscalité relève très largement de la compétence nationale, on ne peut pas faire n’importe quoi avec la TVA qui est encadrée par des directives contraignantes. Déjà en 1977,  la directive 77/388/CEE, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires avait ouvert le droit à déduction de TVA quand : “les biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées” en excluant les “dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation”  Elle reconnaissait à chaque État membre : “la faculté pour des raisons conjoncturelles, d’exclure partiellement ou totalement du régime des déductions, certains biens d’investissement. Enfin cette sixième directive incluait la fameuse “clause de gel”, qui autorisait les États à maintenir les exclusions à déduction qui existaient déjà mais les empêchait d’en créer de nouvelles… dans une perspective d’harmonisation que l’on attend depuis 45 ans !

La logique “basique” de cette directive voudrait donc que les investissements dans des véhicules utilisés pour les besoins de l’activité de l’entreprise ouvrent droit à déduction…  dès lors qu’ils n’entreraient pas dans catégorie des “dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation”. Mais déjà avant l’adoption de la directive en 1977, il existait déjà en France une exclusion des véhicules de tourisme, cette exclusion  est donc restée “gelée”

La TVA en pratique

Pour les véhicules achetés (au comptant ou à crédit), la TVA est acquittée lors du règlement. Pour les véhicules en crédit-bail, elle est acquittée sur les loyers au fur et à mesure de leur échéance et idem pour les véhicules en LLD.

Le 6° du 2 du IV de l’art. 206 de l’annexe II au CGI

Selon le 6° du 2 du IV de l’article 206 de l’annexe II du CGI, sont exclus du droit à déduction les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, qui ne sont pas destinés à être revendus à l’état neuf.

– la TVA  n’est pas récupérable sur les véhicules conçus pour le transport de personnes ou à usage mixte sauf… pour les véhicules nécessaires à l’activité de l’entreprise “en raison même de son objet”. Attention à bien lire la définition dans son intégralité  il ne suffit pas que ces véhicules soient nécessaires à l’activité, mais que l’activité elle-même ait pour objet le transport de personnes. (quel que soit leur état de santé puisque ce “sauf” concerne notamment les taxis, les véhicules auto-école, les ambulances et les corbillards… affectés à titre exclusif à l’activité professionnelle !

– La TVA est récupérable pour un VUL à une seule rangée de sièges qui répond aux besoins des opérations taxées de l’entreprise”.

La récupération de la TVA d’un plateau-benne par un cabinet dentaire nécessiterait un argumentaire solide et circonstancié, mais ne fait pas débat  pour une l’entreprise générale de bâtiment, Idem pour le fourgon-atelier du plombier chauffagiste ou pour  la multitude des camionnettes d’artisans ou de société de messageries ou de services après-vente, “répondant aux besoins des opérations taxées de l’entreprise” peuvent récupérer la TVA et bénéficier du statut fiscal de VU. Idem pour les “VU dérivés de VP” comme le précise d’ailleurs l’administration fiscale: “…le dispositif d’exclusion du droit à déduction ne s’applique pas (…) aux véhicules dits “dérivés VP” qui ne comportent que deux places, également commercialisés sous les appellations société, affaires ou entreprise ”… – La déduction implique l’utilité du VUL pour l‘entreprise et une restriction d’usage. La fiscalité privilégiée du VUL s’accompagne de considérations d’utilité pour l’activité de l’entreprise et “inversement” de restrictions de jouissance pour l’utilisateur, ce que l’administration fiscale résume dans son critère de “destination dans l’entreprise”. S’il est possible d’étendre l’usage strictement professionnel d’un VUL au trajet domicile-travail (et sous conditions pour l’URSSAF) il demeure une contrainte qui ne peut être transgressée, c’est celle de la simple rangée de sièges qui limite les VUL à deux places, voire trois quand la largeur de cabine permet l’installation d’une banquette double sur laquelle deux passagers (éventuellement bien serrés) peuvent accompagner le conducteur.

Entretien, maintenance et carburants (ou “énergies”)

La distinction entre véhicules, exclus ou pas droit à déduction de TVA, se prolonge sur leurs frais d’entretien et de maintenance (pièces, lubrifiants et M.O.). En gros on peut considérer que la TVA des frais d’entretien et de maintenance est récupérable intégralement pour les utilitaires, mais pas pour les véhicules de tourisme ni même pour les “utilitaires à plus d’une rangée de sièges” Avec cependant toutes les réserves, conditions, nuances et subtilités qui ont concerné la TVA du véhicule lui-même. (CGI, ann. II, art. 206, IV-2-7°).

Sur les carburants et énergies, les distinctions se font selon les véhicules utilisateurs mais aussi selon les carburants.

– Pour les VU non exclus du droit à déduction : la TVA du gazole, de l’E85, du GPL, du GNV, de l’électricité, et désormais de l’essence est déductible à 100%

– Pour les véhicules “de tourisme” ou les exclus du droit à déduction, la TVA est déductible intégralement (à 100%) pour le GPL, le GNV et l’électricité, mais à 80% seulement pour le gazole, l’essence et l’E85.

Deux BOFIP pour la doctrine

Quoi que l’on croit pouvoir interpréter de la lecture d’un texte, il est toujours prudent de se soucier de la lecture qu’en font les services fiscaux. Concernant la TVA des véhicules et des produits pétroliers, deux “Bofip” de 2017 précisent la doctrine.
Le Bulletin du 1er février 2017 (BOI-TVA-DED-30-30-20) TVA – Exclusions du droit à déduction – Limitations concernant certains biens et services – Véhicules ou engins de transport de personnes
Et celui du 24 février 2021 (BOI-TVA-DED-30-30-40)  TVA – Droits à déduction – Exclusions du droit à déduction – Limitations concernant certains biens et services – Produits pétroliers.

Retrouvez les différents chapitres de cette loi de finance ci dessous :

1/ Les deux TVS deviennent deux TAFE

2/ Malus : il devient doublement “pesant”

3/ Bonus : les PHEV exclus au 1er juillet

4/ Le cheval “fiscal” est prêt pour un avenir décarboné

5/ Les IK : adaptables aux circonstances

6/ La TVA : l’essence comme le gazole

7/ Avantages en nature : abattements pour les VE

8/ Amortissement : les 25 ans du plafond

9/ Carburant : Entre Ukraine et Iran

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