Publié le 22 mars 2018 | par Rédaction

La locution “véhicule de tourisme au sens de l’article 1010” a investi toute la fiscalité automobile. Quel est le rapport entre le tourisme et la TVS ?

L’article 1010 est l’article du code général des impôts qui définit la TVS ses tarifs, ses assujettis, ses modalités d’application, etc. Jusqu’en avril 2009, quand l’article 1010 énonçait : “les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu’elles utilisent…” la différence entre un véhicule de tourisme assujetti à la TVS et un utilitaire qui n’était pas assujetti, était largement convenue et comprise, y compris de ceux qui pouvaient être tentés de la transgresser pour profiter du statut fiscal des VU.

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L’une des lignes de rupture les plus évidentes entre le statut de véhicule utilitaire léger (VUL) et le statut de véhicule de tourisme dit aussi véhicule particulier (VP) était, et est encore aujourd’hui, la fameuse “ unique rangée de sièges” qui caractérise les utilitaires et en limite l‘habitabilité à deux places (parfois trois quand le véhicule est asses large).

Les VU dérivés de VP : une seule rangée de sièges

Cette caractéristique distinctive permet toutefois aux constructeurs, sur des modèles à carrosserie bicorps et hayon, de proposer des “VU dérivés de VP”. Ce sont des VU dont la conception est en tous points identique à celle d’un VP, mais dans lesquels on a supprimé la banquette AR au profit d’un plancher de chargement pour faire ainsi bénéficier le véhicule du statut de VU et l’entreprise de l’allégement de fiscalité qui en découle. Outre la récupération de TVA, les utilitaires s’affranchissent de la TVS du malus, des plafonds d’amortissement, des avantages en nature… C’est motivant !

Couramment appliquée sur des modèles de segment B, cette transformation en “VU dérivé de VP” se pratique de moins en moins sur les segments supérieurs car elle peut exposer à contentieux avec l’administration fiscale qui ne goute guère la “défiscalisation” quand elle s’applique à des modèles notoirement luxueux qui de toute évidence n’ont pas vocation à servir de vulgaire camionnette.

Même si la transformation est techniquement possible, il est donc essentiel de garder en tête cet alinéa de l’article 39 qui après avoir listé les dépenses déductibles du résultat énonce : “Les dépenses (…) peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise.”

Sans que la règle soit clairement édictée il semble prudent de considérer que le passage en VU dérivé de VP sera regardé d’autant plus rigoureusement que son tarif s’éloignera du plafond d’amortissement ordinaire des VP de 18300€, ou que la mutation en VU l’affranchira d’un malus et d’une TVS sévères. En bref, le VU dérivé de VP dans le segment B est une pratique convenue, à la rigueur dans le segment C si l’usage le justifie et si la motorisation est modeste ça ne fait pas souci dans une entreprise dont la gestion est par ailleurs limpide, mais au-delà… commence l’aventure et plus le véhicule est ostentatoire plus l’aventure est périlleuse

Passagers et marchandises dans un même compartiment

Cette situation était déjà la même en 2009 quand en avril le gouvernement a publié le décret de transposition de la directive européenne 2007/46/CE dans le droit français. Dans son annexe II, cette directive qui définit les conditions de réception des véhicules distingue notamment, les véhicules conçus et construits pour le transport de passagers (de catégorie M) des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises (de catégorie N). S’ajoute à cette appellation M ou N, un chiffre relatif au poids des véhicules, en l’occurrence le chiffre 1 quand le PTAC n’excède pas 3,5 tonnes. L’annexe II définit aussi les carrosseries : berlines, breaks, coupés, cabriolets et… les “véhicules à usages multiples” qui (autres que berlines ou breaks) peuvent transporter “dans un même compartiment” passagers et/ou marchandises (ce sont notamment les monospaces, crossovers ou SUV).

Ces véhicules à usages multiples ne pouvant rester administrativement des objets roulants non identifiés, il a été convenu dans la directive de les classer M1 ou N1 selon le potentiel de charge utile octroyé respectivement aux passagers et/ou aux marchandises. Par exemple si un véhicule compte cinq places, et peut donc transporter, outre le conducteur, quatre passagers de 68kg (poids standard et théorique du passager européen lambda), soit 68×4=272kg de passagers, il suffit qu’il reste davantage de charge utile disponible pour les marchandises, soit au minimum 273kg ; autrement dit que la charge utile soit fixée à 545kg pour que l’homologation N1 soit possible… Et inversement s’il reste moins de 272kg pour les marchandises, le véhicule est classé M1.

Les N1 à usages multiples… de tourisme

La directive 2007/46/CE dans son approche technique et réglementaire semblait frappée au coin du bon sens. Mais sa transposition dans le droit français en avril 2009 a interféré avec notre fiscalité nationale qui différenciait véhicules particuliers de tourisme (transport de personnes) et utilitaires (transport de marchandises), sur d’autres critères, notamment par la règle d’une seule rangée de sièges comme nous l’avons évoqué précédemment. Plusieurs constructeurs l’avaient bien compris et avaient rapidement exploité cette nouvelle réglementation pour homologuer en N1 certains grands monospaces ou certains gros SUV qui avec les fiscalités pénalisantes basées sur le CO2 voyaient leur marché s’effondrer. Alors qu’en N1, assimilés à des utilitaires, ils pouvaient s’en affranchir, même en cinq places.

Par rapport à une transformation VU dérivé de VP c’était beaucoup moins “traumatisant” et même le plus souvent totalement invisible, avec 5 places, l’usage familial et convivial était préservé, certes la législation française tenait le coup sur la TVA et empêchait la récupération, mais, le malus et la TVS passaient à la trappe et surtout le plafond d’amortissement disparaissait au détriment de l’IS.

C’était légal, il suffisait donc de changer la loi

L’affaire s’étant révélée à l’été 2009, le législateur fut pris de court et ne broncha pas lors du vote de la loi de finances pour 2010 ce qui fut perçu comme une validation. Mais devant la prolifération des N1, il s’empressa l’année suivante d’endiguer la brèche fiscale (et l’incongruité politique de la situation) en inventant une nouvelle définition, à la rationalité très hexagonale, du “véhicule à usages multiples homologué N1 (donc conçu et construit pour le transport de marchandises) mais destiné au transport de passagers”.

La rédaction du 1010 après avoir énoncé que les sociétés sont soumises à la TVS sur les véhicules de tourisme, a donc ajouté dès le 1er octobre 2010: “Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l’annexe II à la directive 2007/46/CE… du 5 septembre 2007,… ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens.”

Votée fin 2010 dans la loi de finances pour 2011, cette disposition a eu pour effet de réintégrer les véhicules N1 – à usages multiples – dans le champ de la fiscalité ordinaire. Fin de l‘aventure pour les monospaces, crossovers et pour les gros SUV redevenus quel que soit leur nombre de places assises et quelle que soit leur charge utile “de tourisme au sens l’article 1010 du CGI”.

Le pick-up ultime avatar du N1 fiscal

Si nous sommes revenus longuement sur cette affaire du N1 fiscal que l’on croyait enterrée, c’est que les pick-up la remettent un peu sur le devant de la scène et que ces pick-up à double cabine apparaissent comme l’ultime avatar du N1 fiscal. Une instruction administrative de 2015 a en effet explicitement exclu les pick-up, même à double cabine, du champ d’application de la TVS. Jusqu’à 2015, le pick-up était entretenu dans un statut fiscal quelque peu ambigu. L’administration évoquait des différences entre simple cabine, cabine “approfondie” et double cabine et éventuellement des appréciations au cas par cas.

Si ces distinctions demeurent, notamment pour contester leur droit à déduction de la TVA, en revanche, une instruction administrative en date du 7 octobre 2015 (BOI-TFP-TVS-10-20-20151007) relative au champ d’application de la TVS (et seulement de la TVS) a intégré la remarque suivante :

“Si les véhicules concernés (ndlr : homologués N1) sont équipés d’une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique (tel un véhicule de type 4×4 pick-up, à cabine simple ou à double cabine), ils ne répondent pas à (la) définition de véhicules à usages multiples au sens de la directive 2007/46CE et sont alors exclus du champ d’application de la TVS. À défaut, c’est-à-dire si les véhicules transportent voyageurs et marchandises dans un compartiment unique, ils constituent bien des véhicules de tourisme taxables à la TVS.”

C’était la première fois que l’administration signalait – explicitement – que les pick-up à double cabine n’étaient pas des “véhicules à usages multiples destinés au transport de passagers” et donc bien qu’homologués N1 et disposant de deux rangées de sièges, ne n’étaient pas “de tourisme au sens de l’article 1010 du CGI”. Ce qui les exempte de TVS…

Pas de tourisme au sens du 1010

Dès lors que l’administration fiscale française énonce désormais clairement que les pick-up (qui ne transportent pas passagers et marchandises dans un même compartiment ne sont pas véhicules à usages multiples) et, sur cette base, motive leur exclusion du champ d’application de la TVS, il semble logique de les exclure des autres dispositions fiscales applicables aux véhicules dits “de tourisme au sens l’article 1010 du CGI”. Notamment le malus (art. 1011bis du CGI chap.IV) et le plafond d’amortissement (art. 39-4 du CGI) dont étaient d’ailleurs dispensés les N1 dans la période avril 2009 – octobre 2010.

Dans le doute, chacun pourra utilement consulter les instructions fiscales BOI-ENR-TIM-20-60-30-20120912 pour le malus, et surtout BOI-BIC-AMT-20-40-50-20120912 pour l’amortissement, sans oublier bien sûr de considérer que “les dépenses revêtant un caractère somptuaire ne peuvent, en principe, être admises dans les charges déductibles, sauf lorsque l’entreprise est en mesure de justifier qu’elles sont nécessaires à son activité en raison même de son objet ou présentent un caractère social.”

Mais de tourisme pour la TVA !

Enfin pour le droit à déduction (à récupération de la TVA) c’est toujours l’instruction du 18 novembre 2013 (BOI-TVA-DED-30-30-20-20131118) qui fixe la doctrine. À savoir :
“S’agissant des véhicules de type “4×4 pick-up, l’exclusion du droit à déduction de la TVA doit s’apprécier de manière objective en fonction des caractéristiques intrinsèques des véhicules ou engins et non de l’utilisation qui en est faite. Aussi,(…) l’appréciation des caractéristiques intrinsèques du véhicule doit s’opérer pour chaque véhicule au cas par cas. Il peut néanmoins être indiqué, à titre de règle pratique, que les véhicules 4×4 de type pick-up pourvus d’une simple cabine, c’est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine approfondie dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l’objet d’un usage occasionnel, ne relèvent pas de l’exclusion du 6° du 2 du IV de l’art.206 de l’annexe II au CGI.

Dans ces situations, les véhicules présentent un caractère utilitaire dans la mesure où leur volume de chargement demeure important. En revanche, les autres véhicules 4×4 du type pick-up, qui comportent quatre à cinq places assises hors strapontin, entrent dans le champ d’application de l’exclusion. Il s’agit notamment de ceux que les constructeurs rangent dans la catégorie des véhicules dits à double cabine.”
Là inversement – et tout aussi explicitement qu’ils sont exclus du champ d’application de la TVS – les pick-up à double cabine, sont pour la TVA, exclus du droit à déduction.

Le pick-up risque t-il de rejoindre la fiscalité ordinaire ?

Ceux qui ont été obligés à l’automne 2010 de réintégrer leur SUV N1 dans le champ de la fiscalité ordinaire, avec tout ce que cela suppose de tracasserie comptable, vont sans doute hésiter un peu avant de s’enthousiasmer pour les pick-up à double cabine. Mais “en même temps” on peut considérer que leur fiscalité est bordée par l’instruction administrative qui vient encore d’être rappelée au BOFIP du 4 octobre dernier (BOI-TFP-TVS-10-20-20171004).

Dès lors si évolution législative devait intervenir lors d’une loi de finances à venir, ce changement pourrait difficilement s’appliquer rétroactivement comme cela avait été le cas pour les SUV N1 qui, en 2009, avaient avancé dans le flou. Reste à considérer l’évolution de l’offre produit, si le pick-up plutôt rustique par nature venait à acquérir un caractère somptuaire…

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