Publié le 30 avril 2021 | par Louis DAUBIN

Jérôme Gautier : « Pour les véhicules électrifiés, nous sommes actuellement dans une période de transition qui va durer dix ans »

À l’heure où beaucoup de constructeurs n’ont pour discours que le tout électrique sans que cela ne corresponde vraiment à une réalité, Jérôme Gautier, nommé en septembre dernier à la tête de la Direction du Commerce France pour la marque Citroën, offre une vision assez pragmatique du marché.

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KMS : Vous avez pris la direction du Commerce France pour la marque Citroën en septembre dernier. Quel a été jusqu’ici votre parcours ?
J. G. : Tout mon parcours professionnel s’est inscrit dans l’automobile, si ce n’est une expérience de quelques mois chez Arthur Andersen mais qui ne m’a pas séduite. Je suis entré chez Peugeot en 1990, j’ai d’ailleurs fêté mes trente ans dans le groupe en prenant mon poste de Directeur du Commerce France. Pendant une dizaine d’années, j’ai suivi un parcours classique dans l’automobile, principalement dans la Direction du commerce, puis au début des années 2000, une carrière à l’international s’est ouverte à moi. J’ai été envoyé en Turquie pendant quatre ans et j’avoue que cela a été une période très riche. Lorsque j’y suis arrivé, le marché était de 600 000 véhicules. Un an plus tard, il s’écroulait à 160 000 unités, plombé par une crise économique, pour remonter à 500 000 lorsque j’ai quitté la Turquie. Je suis ensuite parti en 2004 prendre la direction du marketing aux Pays-Bas. Trois ans plus tard, j’ai été nommé à la tête de la Suisse pour être rappelé en 2009 au siège afin de prendre la responsabilité de la gamme et du prix. J’ai à cette occasion développé le pricing power. Cette stratégie commerciale qui s’appuie sur la valeur produit destiné aux clients afin d’augmenter les prix de vente tout en maintenant les volumes a permis à la marque de monter en gamme et d’augmenter sa rentabilité. En 2017, j’ai rejoint la marque Citroën en tant que Directeur de l’Animation commerciale. À cette occasion, je travaillais avec les filiales européennes et les dix plus grands importateurs pour animer les offres commerciales sur trois points clés : la satisfaction client, les résultats financiers et la part de marché.

KMS : Citroën a une image très forte et chacun a sa propre image de la marque. Où souhaitez-vous la mener ?
J. G. : Je retiendrais deux mots pour la qualifier : proximité et audace. Citroën est une marque populaire au sens noble du terme. C’est une marque proche de ses clients, aussi bien dans la conception de ses produits avec une approche de la technologie utile qu’au niveau du commerce. Citroën dispose en effet d’un réseau de plus de 2000 points de contact en France ; dans un rayon de moins de 30 kilomètres autour de vous, vous avez un site Citroën. Cette proximité nourrit la notion de marque populaire. Citroën est aussi une marque audacieuse. L’Ami en est un exemple parfait. La C4 marque également son segment par l’audace de son style. Ces traits de caractère nous permettent de nous démarquer de la concurrence et d’avoir dès lors une image clairement identifiée.

KMS : Justement, en termes d’image, Citroën a parfois celle d’une marque pour seniors. Cette image est-elle en train d’évoluer ?
J. G. : Nous observons un rajeunissement de l’âge moyen de nos clients et la C4 va nous aider dans ce sens à court terme, sans oublier les modèles à venir. Mais cette moyenne d’âge plus élevée que la concurrence est principalement liée au fait que Citroën est une marque de fidèles, avec un fort taux de renouvellement.

KMS : Que représentent les ventes à société pour Citroën ?
J. G. : Sur le marché des véhicules particuliers (VP), les ventes à société dans lequel j’inclus tous les canaux de distribution sauf la courte durée représentent 50 % de nos ventes et 90 % pour les utilitaires. Sur le VP, la C3 et le C5 Aircross rencontrent un franc succès.

KMS : Observez-vous des évolutions sur ce marché ?
J. G. : Sur le marché global, le diesel reste majoritaire, mais nous notons que les ventes de véhicules électrifiés affichent une part significative d’entre 8 et 10 %. Surtout, cette part ne cesse de croître.

KMS : Il est assez surprenant aujourd’hui d’entendre de tels propos sur le diesel. Ce constat n’est-il pas contradictoire avec le contexte actuel ?
J. G. : Le marché automobile suit son propre rythme. Les ventes de diesel baisseront indéniablement, mais la demande reste encore assez soutenue. Deux types de clientèle sont d’ailleurs entrain de se profiler. D’une part, une clientèle urbaine qui s’inquiète de savoir si elle pourra rouler dans un avenir proche dans les centres villes et qui a déjà basculé en partie vers d’autres énergies et de l’autre, une clientèle de gros rouleurs et qui n’a pas les même contraintes que celle qui habite dans les grandes agglomérations. Cette dernière a encore de l’appétence pour une offre diesel. Je pense que l’avenir est clairement aux véhicules électrifiés, mais nous sommes actuellement dans une période de transition qui pour moi va durer une dizaine d’années. D’ici là, les offres thermiques (ICE), électriques (BEV) ou hybrides rechargeables (PHEV)*, qui est d’ailleurs pour moi le meilleur des deux mondes lorsque l’on en a un usage principalement urbain, vont vivre en parallèle pendant de nombreuses années. La transition va s’opérer mais en respectant et en s’adaptant aux besoins des clients.

KMS : Et concernant le VU ?
J. G. : Nous disposons désormais d’une offre complète d’utilitaires électriques. Nous allons observer de très près comment les clients vont les utiliser et quels vont être leurs attentes.

KMS : Quelle est votre analyse sur les valeurs résiduelles des véhicules diesel et des modèles électrifiés ?
J. G.
: Sur le diesel, elles n’ont pas baissé, car les modèles trouvent très facilement une seconde vie, notamment dans des territoires où les restrictions de circulation ne sont pas d’actualité. J’observe même que les valeurs résiduelles de ces véhicules diesel ont d’ailleurs tendance à légèrement progresser, et ce, contre tout attente. D’ailleurs, le marché du VO diesel est en flux tendu. Pour les véhicules électrifiés, 100 % électrique ou hybride rechargeable, nous les avons fixés en fonction de leur valeur d’usage – je peux accéder librement dans les centres villes – et de leur coût d’usage (TCO, coût de l’énergie, etc).

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KMS : Ne craignez-vous pas sur le marché de l’occasion une baisse des valeurs résiduelles à cause de l’obsolescence de la technologie aujourd’hui proposée ?
J. G. : Je ne suis pas inquiet sur la tenue des valeurs résiduelles des véhicules électrifiés car nous manquerons de VO ; la demande sera vite supérieure à l’offre. J’ajoute également que le marché du véhicule électrique est aujourd’hui fortement soutenu par la fiscalité et poussé par les pouvoirs publics. Mais l’écosystème est bien plus large que la simple production de véhicules électriques avec une infrastructure qui doit se développer en cohérence avec les attentes des clients, sans oublier une harmonie sur le prix de l’énergie qui devrait se situer entre le prix du kWh domicile et celui très élevé pratiqué par des pure players.

KMS : Au-delà du coût, quelle serait aujourd’hui votre voiture idéale pour Citroën ?
J. G. : Elle serait audacieuse ! Je la vois petite, très modulaire, confortable avec une chaine de traction zéro émission.

KMS : Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs ? Pourquoi acheter une Citroën ?
J. G. : Les raisons sont nombreuses ! Premièrement, je reviens dessus, mais c’est important, nous sommes une marque de proximité avec un réseau très dense. Ensuite, nous faisons partie du groupe Stellantis, deuxième constructeur européen et qui est dans le Top 5 des constructeurs mondiaux. Il s’agit ici d’un gage de pérennité avec en arrière plan une stratégie produits et technologique très forte.

Propos recueillis par Christophe Bourgeois et Louis Daubin

*ICE : Internal Combustion Engine
BEV : Battery Electric Vehicle
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