Publié le 15 février 2023 | par Jean-Pierre Durand

Le menu fiscal de 2023, affichait les restes d’une programmation votée en 2020, qui invitait à se soumettre à un régime toujours plus électrifié pour mériter le paradis vert promis pour 2035. Sauf que ce régime électrique coûte un bras, qu’il ne convient pas à tous les usages et qu’une revoyure pourrait s’avérer bienvenue. Comment dans ce contexte, faut-il interpréter le retour dans le CIBS, d’une nouvelle variante du “N1 fiscal” exonérée de malus ? Négligeable incident au grattage juridique… ou dernière chance au freinage ?

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Un “amendement technique” expédié en 33 secondes chrono par l’Assemblée pendant le collectif budgétaire du mois d’août et réputé corriger quelques banales fautes de frappe dans le nouveau Code des Impositions sur les Biens et Services, a réveillé les ambiguïtés chroniques de la définition française du véhicule “de tourisme” et de la fiscalité qui l’accompagne.  Pourrait-on voir réapparaître une sorte de statut bâtard comme le “N1 fiscal” de 2010 ? Ceux de nos lecteurs qui géraient déjà des véhicules d’entreprise à cette époque, se souviennent sans doute de cet épisode pendant lequel un break, un monospace, ou un SUV, bien que disposant de cinq places, pouvait en usant de l’homologation européenne de véhicule “N1 à usages multiples”, ne pas répondre à la définition franco-française du véhicule de tourisme (et donc ignorer le malus, la TVS et le plafond d’amortissement). Si ce SUV ne pouvait pas se prétendre véritablement utilitaire et ne récupérait donc pas la TVA, il bénéficiait néanmoins d’un régime fiscal déconnecté du CO2 qui faisait grand bien à son TCO… même si par ailleurs le caractère dérogatoire du concept pouvait légitimement agacer ceux qui n’en bénéficiaient pas. 

N’avait survécu que le pick-up 4 places !

Cette brèche juridique avait été ouverte en avril 2009, par la transposition dans le droit français de la directive européenne 2007/46/CE. Mais elle s’était refermée 18 mois plus tard, quand le législateur avait déclaré arbitrairement, les véhicules à usages multiples “destinés au transport de personnes” et donc “de tourisme” pour les rétablir dans le champ fiscal ordinaire. Dès lors, ces versions ne présentant plus d’avantage fiscal, elles n’intéressaient plus personne et les constructeurs avaient immédiatement mis fin à leur commercialisation. Ce qui n’a pas empêché certains de rester attentifs aux subtilités fiscales des niches. Ainsi par exemple, le classement en 2020 du pick-up cinq places en véhicule de “tourisme”, a spontanément révélé tout l’intérêt du pick-up quatre places, dont personne auparavant n’avait conscience !

C’est pareil mais c’est très différent

Cette fois c’est la transposition du règlement européen UE 2018/858 dans la rédaction du nouveau CIBS qui a rouvert une nouvelle brèche dans notre fiscalité automobile française. Au même endroit qu’en 2009, à savoir les N1 et plus particulièrement les carrosseries camionnette BB, mais dans des termes un peu différents (voie en fin de dossier, le chapitre “Etre de tourisme…ou pas !“). Elle ne concerne que le malus, mais  son exemption pour les N1 BB semble solidement “bordée” puisque le codicille glissé dans “l’amendement technique” du mois d’août dernier, exclut à l’article L421-30 du CIBS les véhicules « mentionnés au b du 2° du L421-2“. Le législateur pourrait cette fois encore s’en offusquer comme en 2011, mais on ne tord pas le cou d’un règlement aussi facilement que celui d’une directive.

Terrain miné pour les TAFE et l’amortissement

Pour les TAFE (ex TVS) c’est beaucoup plus ambigu, et même ouvertement piégeur,  d’autant que là, c’est à l’entreprise de déclarer et d’assumer le risque si elle s’embarque dans l’aventure N1 BB en tentant de nier l’affectation au transport de personnes de la seconde rangée de sièges. Selon le 421-2, un véhicule N1 BB est en effet “de tourisme” (et donc soumis aux TAFE et au plafond d’amortissement) s’il comporte, ou est susceptible de comporter après une manipulation aisée, au moins deux rangs de places assises – et seconde condition cumulative – s’il est affecté au transport de personnes. Jusqu’en 2022, dans le 6° du 1007 qui avait succédé au 1010 pour définir le véhicule de tourisme, la seule présence de points d’ancrage, suffisait au législateur pour prédire irrémédiablement au véhicule un destin touristique. 

Le piège de la condition cumulative

Cette subtilité sémantique de la “condition cumulative d’affectation” n’est là, du moins peut-on le subodorer, que pour contourner les contraintes juridiques du règlement européen UE 2018-858, mais elle soulève une multitude d’interrogations. Comment se déclare une éventuelle “non-affectation” et qu’adviendrait-il si, en dépit d’une déclaration de non-affectation, suivie de plusieurs exercices sans acquittement de TAFE et d’un amortissement calculé sans plafond, l’administration disposait d’éléments lui permettant de prétendre l’affectation avérée. Par exemple, parce qu’une fois par inadvertance vous auriez recueilli un autostoppeur sous l’orage en omettant de lui demander s’il travaillait au Trésor Public ! On savait la fiscalité écologiste pas nécessairement futée dans ses motivations, au moins pourrait-elle être intelligible dans son application. 

Le PHEV est fiscalement plus tranquille

Dans l’immédiat, et à défaut d’une doctrine limpide à paraitre dans une prochaine édition du Bofip ou de la constitution d’une jurisprudence argumentée, cette condition cumulative d’affectation a toutes les apparences d’un champ de mines. On peut certes prétendre que la banquette arrière ne sert qu’au chien, ou encore à faire un somme toutes les deux heures, comme le recommande la sécurité routière, mais on peut que le prétendre sans certitude d’être cru sur parole !

Pour l’entreprise, la prudence fiscale fera assurément préférer un véhicule benoitement homologué M1 mais par exemple doté d’une motorisation hybride rechargeable (pas de malus, et souvent pas de TAFE ou si peu). Quand l’usage quotidien est compatible avec l’autonomie électrique, le PHEV peut être pertinent.

A moins que le malus s’autodétruise…

Si pour toutes les inquiétudes que nous venons d’évoquer à propos des TAFE, l’entreprise ne se précipite pas sur les N1 BB, le particulier dont le questionnement fiscal ne porte que sur le malus, pourrait se montrer plus rapidement et plus activement demandeur or pour l’instant l’offre du marché est anecdotique. Cette offre va t-elle s’étoffer et le marché s’adapter en toute clarté ? On peut s’en inquiéter en remarquant qu’au L421-36 (le malus de la première immatriculation en France des VO) le législateur a corrigé une autre “faute de frappe” pour soumettre au malus les véhicules du 1° ou du a du 2° du L. 421-2, et conséquemment en exonérer là encore “ceux du b du 2°”. Donc si l’aubaine N1 BB n’était pas disponible sur le marché du  neuf, d’aucuns se chargeraient de la trouver ailleurs et pas nécessairement de la manière la plus sécurisée. Le mieux serait que découvrant soudain le malus pour l’absurdité qu’il est devenu, le législateur en tire les conséquences…

Mettre les choses en doute autant qu’il se peut

On ne saurait oublier que le contexte de 2023 n’est assurément plus celui de 2010, et l’industrie automobile ayant été urgemment sommée de mettre toutes ses billes dans la “solution électrique”, le retour sur investissement ne goûterait guère les tergiversations. Mais la responsabilité sociétale nécessiterait peut-être aussi de répondre aux besoins d’aujourd’hui et autant que possible à des prix pas trop déconnectés de ceux d’hier. 

Après tout, 2035 c’est dans douze ans, voire plus si la revoyure devenait incontournable ce qui rendrait la mise en œuvre de la norme Euro 7 encore plus pertinente. Faudrait-il se dédire et réexaminer quelques présupposés de l’écologisme qu’on s’en remettrait. Après tout l’estimation des besoins d’électricité nucléaire du second quinquennat n’est pas la même que celle du premier… dommage que la Constitution n’en permette pas un troisième, on aurait pu rallumer Fessenheim. Mais ne raillons pas et en bons cartésiens n’oublions pas : “pour examiner la vérité, il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toutes choses en doute, autant qu’il se peut.”

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