Utilisés au quotidien, dans des conditions parfois sévères comme sur les chantiers ou lors de longs trajets routiers à pleine charge, les utilitaires légers, qu’il s’agisse d’une simple fourgonnette, d’un gros châssis-cabine benne ou d’un fourgon grand volume, souffrent.
La multiplication du nombre de conducteurs est, lui aussi, un facteur aggravant dans la mesure où plus personne n’est responsabilisé et ne se souci du suivi du véhicule. Ces deux facteurs expliquent en grande partie les mauvaises notes des utilitaires légers au contrôle technique qui arrivent, en nombre de contre-visites obligatoires, largement devant les voitures particulières.
Les mauvais élèves du contrôle technique
Ces mauvaises performances sont, pour
Virginie Ethore, responsable service prestations chez GCE CarLease, « directement liées au changement d’utilisateur. Du coup, il n’y a plus assez d’attention portée à l’entretien ou à l’arrivée à terme du contrôle technique. Pour un bon suivi des véhicules et plus encore des utilitaires, la supervision est importante ».

Un point de vue partagé par
Stéphane Cheminade, directeur du développement VU chez ALD Automotive : « les VUL sont avant tout des outils professionnels, utilisés parfois au maximum de leurs possibilités.
Entretenir ses VU n’est pas toujours la préoccupation première de l’entreprise ; cela étant, il ne faut pas généraliser : les VUL ne sont pas forcément moins bien entretenus ». Pour
Thierry Fassenot, ingénieur conseil à la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance Maladie) « il faut différencier les flottes qui louent leur parc de véhicules et les entreprises qui sont propriétaires de leurs véhicules. Dans les petites entreprises, on constate souvent une détention beaucoup plus longue et des utilisations plus intensives qui rejaillissent logiquement sur les besoins en entretien des véhicules ».

« La notion de proximité est primordial pour pouvoir disposer de véhicules bien entretenus. Chez Fraikin, nos clients disposent de 230 pôles services avec accès libre. Cela permet de faire entretenir ses véhicules lorsque l’entreprise le souhaite avec une grande fluidité ».
Des véhicules moins robustes que par le passé
Longtemps très rustiques, les modèles actuels ont gagné en confort et en agrément de conduite. Ils sont désormais équipés à l’image des voitures, comme le souligne
Stéphane Cheminade : « L’idée que les VUL sont plus rustiques que les voitures est fausse. Aujourd’hui, les VU sont comme les VP et reçoivent des équipements modernes comme l’ABS, les airbags, la climatisation, l’ESP. Les calculateurs sont de plus en plus nombreux ».

Pour
Christophe Boeckler, senior manager business APV Flottes chez Renault, « le plan d’entretien est déterminé par le constructeur en fonction de la motorisation présente. Si elle est identique à celle d’un VP, comme sur le Kangoo par exemple, le plan d’entretien est le même. Si la mécanique est spécifique, comme c’est le cas avec le nouveau Master, les périodicités sont rallongées ce qui permet d’abaisser les coûts d’entretien et de détention. Et en cas d’utilisation intensive, le constructeur propose de renforcer son programme d’entretien pour répondre à ces contraintes plus fortes qui pèsent sur le véhicule ».

Selon
Romain Laporte, responsable produits, service et technique chez ZF Trading France « du point de vue des pièces techniques, il convient de différencier les petits utilitaires des utilitaires lourds. Sur les petits, l’usure des pièces est quasiment identique à celle des VP. Sur les gros, le recours à des pièces spécifiques permet d’avoir une meilleure résistance aux usages intensifs ». « Il faut quand même noter que les utilitaires ont des fréquences de passage en atelier en dehors du plan d’entretien est beaucoup plus élevé que sur les VP.

Il y a plein de facteurs qui font que les VU reviennent en atelier, ce qui permet de jeter un œil à tout le véhicule » explique
Guillaume Merouze, directeur technique et des opérations, membre du directoire de Fraikin. « Le métier exercé par l’entreprise a des conséquences directes sur les conditions d’utilisation et l’usure des véhicules.
Dans le BTP ou dans la distribution, les conditions d’utilisation sont très intensifs ce qui entraîne une détérioration plus rapide des véhicules » ajoute
Jean-Marc Desbornes, directeur commercial chez Masternaut. « Avant de vouloir maîtriser les coûts d’entretien, il faut déterminer précisément les besoins et adapter la taille des véhicules. Souvent, les véhicules sont surdimensionnés, ce qui implique un coût de détention supérieur » précise
Stéphane Cheminade.
Où faire entretenir ses VUL ?
La question du réseau à qui faire appel pour l’entretien de sa flotte de VUL est récurrente. Entre réseaux de marques, intégrés ou indépendants, le choix est parfois compliqués sachant toutefois que le fin du « bloc exemption » permet de faire entretenir ses véhicules auprès de n’importe quel professionnel sans plus aucun risque de perte de la garantie du constructeur (1 à 3 ans selon les marques). « Chez ALD, nous privilégions toujours les réseaux de marques dans le cadre des protocoles signés avec les constructeurs même si pour les pneus nous faisons aussi appel à des spécialistes » explique
Stéphane Cheminade.

« La question ne se pose pas pour les clients Fraikin puisqu’avec nos 220 ateliers nous effectuons un maximum d’interventions par nous-mêmes, y compris certains contrôles normatifs » précise
Guillaume Merouze. Pour Euromaster,
Pierre Coquard, directeur adjoint des ventes de l’enseigne, rappelle « la possibilité pour les réseaux indépendants d’intervenir sur les véhicules sans risques de perte de la garantie.

Nous effectuons l’entretien courant de tous types de véhicules sachant que tous nos centres peuvent accueillir des VUL et que nous disposons d’une flotte de véhicules atelier permettant l’entretien courant sur parc, ce qui permet de réduire l’immobilisation du véhicule au strict minimum, une donnée de plus en plus importante ».
Stéphane Cheminade confirme cet état de fait : « Les entreprises souhaitent immobiliser le moins possible leurs VU. Aujourd’hui, c’est de plus en plus l’atelier qui se déplace ou qui propose des horaires élargis pour répondre aux besoins de disponibilité des véhicules ».
Edouard Rance partage cette analyse mais avec une nuance portant sur la localisation de ces prestations : « les ateliers mobiles sont souvent disponibles aux alentours des grandes agglomérations alors que certaines flottes, y compris des grosses, sont présentes en milieu rural ce qui pose un problème de contraintes économiques et géographiques ».

Pour permettre un meilleur suivi, il convient de surveiller régulièrement le véhicule. C’est pour cela que Masternaut propose de nouveaux produits électroniques permettant de recueillir puis de transmettre de nombreuses informations permettant aux responsables de l’entretien des véhicules de réagir plus rapidement.
Le conducteur, facteur essentiel
Pour abaisser le coût de détention et d’entretien, le premier facteur sur lequel agir est le conducteur. « La formation en entreprise est importante et va de pair avec la mise en place d’outils et de règles dans l’entreprise. Il faut responsabiliser les différents intervenants pour abaisser les coûts de détention des véhicules » explique
Thierry Fassenot. « Dans ce cadre, le loueur longue durée a un grand rôle de sensibilisation des responsables à jouer » ajoute
Virginie Ethore. « Cela étant, le conducteur a une influence énorme sur le coût de détention et le budget entretien des VU.
Entre celui qui conduit n’importe comment et celui ayant une conduite coulée ou ayant reçu une formation à l’éco-conduite, les écarts sont très importants » précise
Guillaume Merouze. « Le vrai problème, c’est le suivi de l’historique du véhicule et de savoir qui conduit et quand. Ce qui soulève le problème de la responsabilité des conducteurs, une donnée de plus en plus prise en compte par les entreprises qui, désormais, analysent davantage les données concernant la maintenance des VU, les budgets d’utilisation et la sinistralité » explique
Edouard Rance. « Les comportements ont changés. Un des moyens d’abaisser la sinistralité est d’améliorer le confort et les équipements des VUL.
Equiper ses véhicules de la climatisation, d’un limiteur/régulateur de vitesse ou d’un kit Bluetooth permet d’agir sur la sinistralité. Idem en ce qui concerne l’organisation des tournées ; une remise à plat des missions peut permettre une amélioration notable de la sinistralité » ajoute
Jean-Marc Desbornes.

Sans remettre en cause ces propos,
Stéphane Cheminade tient aussi à souligner l’importance des conditions de roulage, notamment en ce qui concerne les charges embarquées : « la surcharge reste le problème de base, ce d’autant que les nouveaux VU affichent des charges utiles en baisse régulière ». « Et rouler en surcharge, cela signifie une usure prématurée et anormale des éléments de la liaison au sol : pneumatiques, suspension, direction, freinage » rappelle
Romain Laporte.
Les pneus : trop souvent oubliés
Rouler dans des conditions sévères entraîne une sollicitation importante des éléments mécaniques. Pas de panique, les véhicules ont été étudiés pour cela et les constructeurs, sachant que beaucoup d’utilisateurs, notamment dans les métiers du bâtiment, roulent en surcharge, intègrent cette donnée dans leur cahier des charges.
Là où les choses commencent à aller plus mal c’est lorsque ces conditions sévères ou la surcharge devient le comportement quotidien et que l’entretien est négligé. Alors, on assiste à une usure prématurée de nombreux éléments au premier rang desquels les pneumatiques. « Les pneus affichent des dimensions de plus en plus importantes et s’usent de plus en plus vite car les contraintes sont de plus en plus fortes » affirme
Pierre Coquard. Il poursuit : « Suivant le poids du véhicule, il peut y avoir plusieurs montages possibles : tourisme, tourisme renforcé, commercial avec l’indice C.

Il faut choisir le bon pneu en fonction du véhicule mais aussi de ses contraintes d’utilisation. Même si les pneus sont souvent négligés et que peu d’entreprise effectuent le contrôle de la pression mensuel que nous préconisons, il faut reconnaître que le rapport qualité/prix est le premier critère de choix des entreprises pour les VUL.
Cela étant, nous enregistrons effectivement une usure plus rapide des pneus et des éléments des trains roulants, notamment au niveau de la géométrie, sur les véhicules non affectés. Et environ 70 % des véhicules roulent sous-gonflés ce qui entraîne une détérioration de la tenue de route et une augmentation substantielle de la consommation de carburant ». « Les contraintes d’usure sont en augmentation et les constructeurs souhaitent des montages de pneumatiques VU avec des enveloppes davantage orientés vers le confort, le bruit et la sécurité.
Le comportement routier des VU actuels sont de plus en plus proches de celui d’une berline. Le problème de surcharge et de pression entraîne effectivement une usure anormale, synonyme d’augmentation des coûts de détention et d’entretien. Il faut savoir qu’un pneu perd environ 0,1 bar par mois » confirme
Arnault Geannin chef de produit chez Pirelli. « Pour lutter contre les pertes de pression, l’azote représente une solution intéressante. Cela permet de conserver la pression plus longtemps sachant que le premier gonflage est payant mais qu’ensuite les contrôles de pression sont gratuits.

Attention, si les utilisateurs remettent de l’air, le gain lié à l’azote est perdu » précise
Pierre Coquard. « Il n’y a pas que les pneus ; il faut aussi contrôler régulièrement les pièces techniques des trains roulants comme les amortisseurs. Si les amortisseurs sont fatigués, cela entraîne une détérioration du comportement routier et du confort. Ce qui peut avoir des conséquences désastreuses, y compris au niveau de l’usure du matériel » ajoute Romain Laporte.
Des outils de production parfois négligés
Les véhicules utilitaires légers sont des véhicules à part dans l’entreprise. Indispensables à la productivité de nombreux métiers, ils sont souvent moins bien suivis que les autres outils de production de l’entreprise. Pourtant, qu’advient-il des livraisons ou des chantiers en cas d’indisponibilité de l’utilitaire ? Les enjeux économiques sont alors sans commune mesure avec le coût de l’immobilisation liée à un contrôle ou un entretien régulier de la flotte. Mais cela se planifie et nécessite, pour être pleinement efficace, de plus responsabiliser les conducteurs.
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