Publié le 6 juillet 2012 | par Rédaction

La symbolique de “signe extérieur de richesse” qui s’attache à l’automobile oblige donc dès que l’on aborde l‘aspect fiscal des VU dérivé de VP, à se poser la question des “limites”. Les avantages du statut d’utilitaire : pas de TVA, pas de TVS et déplafonnement d’amortissement, ouvrent des perspectives d’économies, et de facto “d’optimisation fiscale” qui peuvent susciter la tentation d’(ab)user du système. Jusqu’où peut-on aller et surtout ne pas aller sans risquer de prêter le flanc à un contentieux avec l’administration.

À des questions posées par plusieurs parlementaires à propos des pick-up on lisait dans les réponses ministérielles du 29 juin 2010, à l’évidence dictées par Bercy, (voir encadré ci-contre) : “L’exclusion (du droit à déduction de la TVA frappant les véhicules), s’apprécie en fonction des seules caractéristiques intrinsèques des véhicules ou engins, c’est-à-dire des usages pour lesquels ils ont été conçus, et non de l’utilisation qui en est faite”. Cette affirmation ne doit surtout pas être isolée de son contexte au risque d’une dangereuse méprise.

Le risque de fraude découle de l’utilisation

On ne peut en effet en déduire que ce qui vaut pour “l’exclusion du droit à déduction” pourrait s’interpréter – à contrario – pour “le droit à déduction”. En effet, en clair, ce texte dit que si on utilise un véhicule de tourisme ou un véhicule à usage mixte, même exclusivement pour travailler, cela n’autorise pas à en récupérer la TVA. Ce n’est pas, dans ce cas précis, l’utilisation qui compte mais le fait que le véhicule ait été conçu pour le tourisme ou pour un usage mixte.

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En revanche, on se méprendrait à retourner l’argument pour considérer que – pour un utilitaire – le droit à déduction résulterait exclusivement de la conception et l’utilisation qui en serait faite n’aurait aucune importance.
On perçoit bien au contraire que, dans la doctrine de l’administration, l’usage est déterminant puisque dans la réponse, le dispositif d’exclusion du droit à déduction de la TVA y est justifié par “la difficulté avérée qu’il y a de contrôler précisément la part d’utilisation privative de ces véhicules et, par conséquent, de maîtriser le risque de fraude qui en découle”.

Pour l’administration, c’est donc bien la part d’utilisation privative d’un véhicule éligible à déduction qui serait constitutive de la “fraude” puisque la non-maîtrise de cette part d’utilisation privative en induit le “risque”.

Du provisoire qui dure,

On comprend que l’administration se cramponne à sa “doctrine”, car, à défaut, d’aucuns pourraient être tentés de rouvrir le débat (et cette fois, pour l’utilisation professionnelle de tous les véhicules de l’entreprise, utilitaires ou pas) du principe du droit à déduction de la TVA conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977. Lequel article 17 fait référence en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires aux biens et services utilisés pour les besoins des opérations taxées…

En effet, le système commun de TVA permet aux Etats membres d’adopter une mesure nationale dérogeant au régime général des déductions “pour des raisons conjoncturelles”. Mais comme l’a rappelé la Cour de justice des Communautés Européennes dans l’arrêt Sradasfalti du 14 septembre 2006 (Affaire C-228/05) : “…cette disposition autorise un État membre à adopter des mesures à caractère temporaire destinées à parer aux conséquences d’une situation conjoncturelle dans laquelle se trouve son économie à un moment donné.

Partant, l’application des mesures visées par cette disposition doit être limitée dans le temps et, par définition, celles-ci ne peuvent présenter un caractère structurel.”

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Et la Cour d’ajouter : “(cette disposition) n’autorise pas davantage un État membre à adopter des mesures portant exclusion de biens du régime des déductions (…) qui font partie d’un ensemble de mesures d’adaptations structurelles ayant pour but de réduire le déficit budgétaire et de permettre le remboursement de la dette de l’État.”

À l’évidence tant sur l’aspect conjoncturel ou structurel, que sur le caractère temporaire, il y aurait matière à polémique. Si quelques entreprises sont parfois border line avec leurs VU dérivés de VP, l’Etat l’est peut-être aussi avec la directive européenne.

Dura lex, sed lex !

Pour autant, même s’il est toujours intellectuellement intéressant de rappeler l’ambition européenne d’harmonisation fiscale, on ne saurait inciter une quelconque entreprise française à s’engager la fleur au fusil, sur cette base ou sur une autre, sur le terrain miné et éminemment scabreux d’une contestation juridique de la doctrine de l’administration nationale.

Dura lex, sed lex ! D’autant qu’en l’état actuel de nos finances publiques, il est facile à l’Etat, de se draper dans une priorité – politique – “de réduction du déficit budgétaire et de remboursement de la dette de l’État”, qui s’impose quasi-universellement à l’opinion. Quiconque tenterait de justifier la “transformation fiscale” d’un bolide rouge en outil de livraison express, ou d’un somptueux SUV en engin de chantier, risquerait fort, de se retrouver bien esseulé en cas de redressement et désigné à la vindicte publique risquerait de susciter davantage l’opprobre populaire que la solidarité de ses pairs.

Que faire légalement et raisonnablement

Pour en revenir au concret, à ce qui est possible ou pas, et à ce qui est raisonnable et ce qui l’est moins, il sera prudent de s’en tenir à une logique de bon sens.

Puisque le fisc fait référence pour déduction de TVA à un risque de fraude résultant de l’utilisation privative, il conviendra d’affecter les VU dérivés de VP à des utilisations strictement professionnelles. Et de s’y tenir ! Même si on sait tous que “dans la vraie vie”, il est souvent rationnel de permettre aux collaborateurs d’utiliser aussi ces véhicules pour les trajets domicile-travail. Et même si, à l’évidence, il serait idiot d’imposer à un salarié affecté en Midi-Pyrénées de rapatrier son VU au siège parisien le vendredi soir pour venir le rechercher le lundi matin, comme il serait absurde de devoir dépêcher un huissier au domicile de chaque collaborateur, chaque week-end, pour s’assurer de l’immobilisation du dit véhicule.


TVA des Véhicules Professionnels : La réponse de Bercy

Au printemps 2010, plusieurs députés ont interrogé les ministres de l’économie, du budget et de l’environnement (de l’époque), à propos de la récupération de la TVA des pick-up et notamment sur les subtilités que pouvaient entraîner le nombres de places assises (cabine 2 places, cabine approfondie avec strapontins ou encore double cabine 5 places). Ces questions étaient inspirées par le problème des exploitants forestiers qui se rendent sur les sites de coupe avec une équipe de scieurs. Toutes ces questions ont fait l’objet (*) d’une réponse écrite identique qui illustre d’une relative clarté la doctrine de l’administration.

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“ L’exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux véhicules conçus pour le transport de personnes ou à usage mixte est prévue par l’article 206-IV-26° de l’annexe II au code général des impôts. Ce dispositif d’exclusion présente une portée très générale qui, à l’origine, trouve sa justification dans la difficulté avérée qu’il y a de contrôler précisément la part d’utilisation privative de ces véhicules et, par conséquent, de maîtriser le risque de fraude qui en découle.

À cet égard, il n’est pas à ce jour envisagé de le supprimer à raison des conséquences qui en résulteraient tant en ce qui concerne la maîtrise des risques de fraude, qu’en ce qui concerne les finances publiques. L’exclusion du droit à déduction frappant les véhicules a été jugée conforme au droit communautaire par la Cour de justice des Communautés européennes. Elle s’apprécie en fonction des seules caractéristiques intrinsèques des véhicules ou engins, c’est-à-dire des usages pour lesquels ils ont été conçus, et non de l’utilisation qui en
est faite. Ainsi, les véhicules utilitaires tels que les camionnettes ou les fourgons conçus pour le transport de marchandises ne sont pas exclus du droit à déduction, y compris lorsqu’ils sont équipés d’une cabine approfondie comprenant, le cas échéant, une banquette. Il en va de même, par exemple, des véhicules 4 x 4 de type « pick-up » pourvus d’une simple cabine, c’est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l’objet d’un usage occasionnel.

Dans ces situations, les véhicules présentent un caractère utilitaire dans la mesure où leur volume de chargement demeure important. C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner, au cas par cas, si les véhicules utilisés par les exploitants forestiers sont ou non concernés
par l’exclusion du droit à déduction. Toutefois, il est précisé, d’une part, que le fait que le véhicule soit utilisé, même exclusivement, pour les besoins de l’exploitation forestière est en la matière sans incidence et, d’autre part, qu’en tout état de cause les véhicules de plus de neuf places
assises utilisés par les entreprises pour amener leur personnel sur les lieux de travail ne sont pas concernés par l’exclusion.”

(*) Notamment celle-ci, publiée au JO le 29/06/2010, page 7304 en réponse à la question 79030.

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