Publié le 22 mars 2016 | par Rédaction

– • La déduction de TVA toujours refusée à l’essence
– • Le bonus récusé pour les diesels même hybridés
– • Le prix à la pompe efface les taxes du gazole (pour l’instant)
– • Le CO2 peut-il rester la référence fiscale si les tests évoluent
– • Avatars du N1 fiscal, les pick-up exemptés de TVS

Avec deux lois de finances (2016 et 2015 rectificative), un “dieselgate” et une COP21, la fiscalité écologique laissai craindre tout et le contraire. On n’est pas déçu !

Après l’adoption, en juillet dernier, de la loi de “transition énergétique pour la croissance verte”, s’ouvrait comme chaque automne avec le dépôt du projet de loi de finances, une nouvelle période d’incertitude fiscale pour l’automobile d’entreprise. Double incertitude d’ailleurs, puisque après avoir introduit dans ce PLF pour 2016 l’amendement du fameux “moins un plus un” (centime) au nom du “rééquilibrage tarifaire” entre l’essence et le gazole, le gouvernement lançait le débat du projet de loi de finances rectificatif pour 2015 dans lequel il prévoyait (aussi) de traiter “la fiscalité environnementale”.

Pour ajouter à la fébrilité, ces débats parlementaires arrivaient en séance en même temps que se préparait à Paris l’ouverture de la COP 21, et que dans tout le pays débutait la campagne des régionales, propice comme toute période électorale aux envolées lyriques des discours de préau d’école.

Dire que l’on pouvait alors s’attendre à tout en matière de fiscalité environnementale est un doux euphémisme sachant que le ton était déjà donné depuis des mois : organisatrice de la COP21 “la France se devait d’être exemplaire”… ce qui ouvrait la voie aux postures héroïques et aux initiatives de tout poil supposées donner un “signal fort”

Comptablement pour 2016 ça va encore !

Si on pouvait s’attendre à tout, on a dans l’immédiat échappé au pire ! Dans une stricte approche comptable, l’année 2016 ne prévoit pas de surcoût significatif pour les parcs des entreprises. Aucune augmentation n’a été votée au chapitre de la TVS ou des malus. Si la taxation du gazole par effet cumulé du “moins un plus un” et de la contribution climat-énergie a augmenté la TIPCE de 3,9 centimes, le prix du gazole – à la pompe – demeure actuellement, à une douzaine de centimes en dessous du prix moyen de 2015 grâce à la chute du cours du pétrole.

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Même l’administration fiscale s’est montrée prévenante en publiant une instruction qui confirme que les pick-up ne sont pas assujettis à la TVS (voir le chapitre pick-up en fin de dossier). Donc pour l’instant, c’est encore Noël dans les parcs automobiles des entreprises, et il n’y a pas de raison objective de réviser les TCO et les prévisionnels à la hausse. En revanche l’avenir n’est pas rose pour autant !

Si on s’accommodait depuis des décennies – et sans plus d’inconvénient – de véhicules affichant des consommations conventionnelles notoirement optimistes, en attendant une réforme des tests d’homologation européenne qui suivait tranquillement son petit bonhomme de chemin, l’affaire du logiciel VW a donné du grain à moudre à l’agit-prop écolo. Ce dossier de la réforme des tests d’homologation est alors revenu sur le dessus de la pile. Partant d’un problème complexe qui concerne les mesures de consommation d’énergie et d’émissions polluantes de l’ensemble des motorisations, nous sommes arrivés dans une confusion totale à un procès en sorcellerie à l’encontre du seul diesel. Dès lors il a du souci à se faire pour les années à venir.

Quid de la référence fiscale au CO2

Si les tests devaient refléter davantage les conditions d’utilisation réelles, les consommations affichées se rapprocheraient des consommations constatées par l’automobiliste lambda au quotidien. Pourquoi pas d’ailleurs ? Au nom de l’information du consommateur, la démarche semblerait saine, réaliste et presque innocente. En conséquence, l’on pourrait peut-être vous dire prochainement que la consommation mixte officielle du modèle X homologué selon la nouvelle procédure n’est plus de 3,8 litres mais, par exemple de 5,5 litres. Cela ne changerait rien à la consommation réelle au quotidien, ni à celle que le client potentiel subodorait ou à celle que l’utilisateur avait déjà constatée, et l’on pourrait nous vanter la transparence recouvrée. Nous louons tous la transparence. Mais dans la foulée, on nous dirait aussi probablement que la consommation officielle passant de 3,8 à 5,5 litres, le taux de CO2 passe de 99… à 143g.

C’est incontournable, brûler un litre de gazole produit 2,6 kg de CO2. Donc pour chaque litre consommé sur 100km, on obtient un taux de 26 g/km à multiplier par le nombre de litres. Et là, on voit très vite un gros souci s’approcher du ventilateur en raison de toutes les dispositions fiscales calibrées sur le CO2 : TVS et malus notamment… Garderait-on les seuils et les grilles tarifaires actuelles avec pour conséquence un très violent alourdissement de la fiscalité, essaierait-on d’éviter ou de minimiser le séisme et comment ? Si les pouvoirs publics français ne peuvent que “participer” à l’élaboration de la réglementation européenne sur les émissions, et seront tenus de l’appliquer, ils ont en revanche la totale maîtrise de leur fiscalité. Donc, rien ne serait inéluctable, ni même de le laisser croire !

Quid des 95g en 2020

D’autre part, il ne faut pas oublier que les constructeurs sont sous la menace d’une réglementation, votée par le Parlement Européen en février 2014, qui prévoit des pénalités pour ceux d’entre eux dont la production dépassera 95g d’émission moyenne de CO2 en 2020. C’est dans 4 ans à peine ! Quid de cet objectif européen qui deviendrait alors impossible à atteindre pour l’industrie automobile sauf à réaliser des modifications des motorisations et du mix-produit (très difficiles à envisager dans les délais) ou… à défaut, à payer les pénalités. Dans les deux hypothèses, les surcoûts se répercuteraient sur les tarifs et pénaliseraient les ventes de véhicules neufs, accentuant encore le vieillissement du parc.

Pour mémoire à la fin de 2014, l’âge moyen des véhicules en circulation en France était déjà de 8,7 ans (contre moins de 6 ans en 1990). Le chiffre 2015 n’est pas encore connu, mais devrait friser 9 ans – de moyenne – ce qui signifie qu’une part notable la production de 1998 roule toujours et probablement nombre de modèles encore plus anciens Euro 2 et Euro1. Ce vieillissement du parc engendre naturellement une augmentation des émissions polluantes… et cette fois ce n’est pas seulement un problème d’affichage, mais d’émissions réelles ! Les ministres de l’environnement de l’Union réunis le 16 décembre à Bruxelles pour examiner le projet de directive sur la qualité de l’air ont d’ailleurs bien perçu les écueils et pris quelques distances avec les objectifs fixés en 2013 par la commission Barroso en y introduisant un peu de flexibilité pour s’ajuster aux imprévus. D’autant que l’affaire ne concerne pas que les polluants du secteur transport mais aussi notamment le méthane et l‘ammoniac du secteur agricole…

L’inconnue pétrolière

L’autre événement impactant pour l’automobile, pas le moindre ni le plus simple à appréhender, a été la révélation d’une surproduction mondiale de pétrole, laquelle a entraîné une accélération de la chute des cours que personne n’avait imaginée de cette ampleur… Alors que notre économie ne cesse de courir après la croissance et connaît un déficit chronique de sa balance commerciale, une baisse du prix de l’énergie aurait pu s’accueillir comme un don du ciel. Le retour du baril à 30$, c’est un peu comme si se refermait la parenthèse des années de crise qui avait vu le brent aller tutoyer les 150$ en juillet 2008.

Mais la réalité est moins angélique sachant que la quasi-totalité des pays producteurs de pétrole (ou d’autres matières premières dont les cours sont aussi en chute libre) produisent à perte… et qu’ils sont endettés en dollars. Ce qui ne promet rien de bon pour la stabilité financière et géopolitique dont l’économie mondiale aurait grand besoin.

De plus le carburant bon marché bouscule aussi les stratégies dites de transition énergétique qui ont souvent été justifiées par l’imminence d’un peak-oil. Comme il bouscule les technologies dites alternatives supposées voir leur compétitivité s’affirmer “naturellement” en raison des coûts croissants des énergies fossiles. Il suffisait d’aller au salon de Détroit en janvier, pour constater de visu que la perspective du gallon à deux dollars avait déjà remis les SUV et les V8 au milieu du Cobo Hall. Le phénomène s’est vérifié à toutes les époques : après les cracks pétroliers de 1973 et 1976, le retour à des jours meilleurs avait été salué par l’arrivée des GTI plutôt “gloutonnes”.

Le gazogène ne passera pas !

L’histoire risquant de se répéter, toutes les générations d’experts renifleurs qui nous annoncent, depuis 1970, la pénurie de pétrole pour demain redoutaient un relâchement de la vertu écologique. Que nenni ! Dans les moments où l’Histoire bascule, la France est exemplaire : le gazogène sera privé de bonus, le charbon de bois ne passera pas ! C’est désormais gravé très officiellement dans le Code de l’Énergie, au b du 7° de l’art. 251-1, qui exige pour prétendre à un quelconque bonus, qu’un véhicule “n’utilise pas l’une des sources d’énergies suivantes :
– a) Gazole (GO);
– b) Mélange gazogène-gazole (GG);
– c) Gazole-électricité (hybride rechargeable) (GL);
– d) Gazole-électricité (hybride non rechargeable) (GH);
– e) Mélange de gazole et gaz naturel (dual fuel) (GF);
– f) Bicarburation gazole-GPL (G2);
– g) Mélange de gazole et gaz naturel (dual fuel) et électricité (hybride rechargeable) (GM);
– h) Mélange de gazole et gaz naturel (dual fuel) et électricité (hybride non rechargeable) (GQ).”

Pour ostraciser le diesel, on oublie le CO2

Mais l’affaire est plus sérieuse que ce gag du gazogène. L’inéligibilité désormais systématique du diesel au bonus ne manque pas d’interpeller. Surtout quand s’y ajoute l’inéligibilité de toutes ses hybridations diesel possibles (les plus pertinentes comme les plus improbables) pour ne surtout laisser aucune chance à ces technologies de pouvoir intégrer la catégorie des “véhicules peu polluants”, quand bien même parviendraient-elles à en satisfaire les exigences d’émissions.

Certes, on sait quoi penser des bonus (souvent solubles dans les prix de marché) et l’inéligibilité du diesel n’empêchera cette technologie (stratégique) de perdurer ; mais néanmoins ce zèle, cet acharnement, cet ostracisme à l’égard du seul diesel, semble relever d’un arbitrage technologique à bien des égards scabreux et délivre un message tordu.

On en arrive à ce paradoxe qu’un véhicule diesel Euro6 à 79g est inéligible, et qu’il ne le serait toujours pas, hybridé ou pas, rechargeable ou pas, même s’il parvenait à réduire son taux de CO2 à 20 ou 50g. Alors qu’un véhicule Euro5 à 110g peut désormais (sous conditions de revenus de son propriétaire et moyennant destruction d’un diesel de 10ans révolus) bénéficier d’une aide publique, quelle que soit sa motorisation… pourvu qu’elle ne figure pas dans la liste satanique. Les émissions de CO2 deviendraient-elles indifférentes dès lors que le diesel permet de mieux les maîtriser ?

Non au diesel, et non à l’essence

Cette décision semble d’autant plus politiquement incohérente que, lors du débat de la loi de finances rectificative, quand plusieurs amendements sont venus proposer de “rééquilibrer la fiscalité” en accordant à l’essence le même taux de récupération de TVA qu’au gazole, le gouvernement, mais aussi le Sénat et un large panel de députés s’y sont opposés… Au motif de “de ne pas déstabiliser le marché du diesel pour ne pas nuire à nos constructeurs, à notre industrie et à l’emploi”. Quoi que l’on pense de l’argument, on ne comprend pas pourquoi manifester, ou feindre – le 15 décembre – autant de prudence pour refuser la récupération de TVA à l’essence, (même étalée sur quatre ans de 20% en 20% jusqu’à 80% comme pour le gazole)… Et le 31 décembre publier un décret qui participe au lynchage du diesel quel que soit son niveau d’émissions.

Une récupération de la TVA de l’essence (au besoin très partielle dans un premier temps) n’aurait pas provoqué un abandon massif des motorisations diesel qui conserveront toujours un avantage de consommation pour les kilométrages importants, mais elle aurait donné un signal (partiel lui aussi mais utile) de renoncement au système de “clause de gel” de la TVA. Système très symbolique, depuis 1977, de la frilosité de la construction européenne et de l’incapacité à aller dans le sens d’une harmonisation fiscale.

L’intox du rééquilibrage

Initialement, le gouvernement n’avait pas inscrit dans le projet de la loi de finances le “moins un plus un” et encore moins sa répétition sur cinq ans, mais il l’a finalement fait voter sur un amendement qui n’engage que le centime de 2016. Il est vrai qu’il avait un besoin urgent de ce centime et surtout de son produit estimé à 245 millions, aussitôt réinvestis dans le rétablissement de la demi-part des veuves (peau de banane laissée en héritage par la législature précédente).

Tant lors de l’examen de la loi de transition énergétique l’an dernier, que lors des débats de toutes les lois de finances de la législature, les élus écologistes n’ont cessé de prôner le rééquilibrage de la fiscalité du gazole et de l’essence et de dénoncer la tarification favorable du gazole comme une “exception française”… Exception qui serait la cause fondamentale de l’intérêt des Français pour le diesel.

Quelle exception française ?

Considérant que cette différence tarifaire avait été initiée voici un demi-siècle dans la perspective d’un peak-oil qui n’est plus vraiment à l’ordre du jour, on aurait presque été tenté d’applaudir au rééquilibrage… Sauf que “l’exception française” en question n’existe pas ou n’existe plus ! Si l’on observe les prix moyens à la pompe, le 8 janvier 2016, le gazole s’affichait en France à 1,05€ et le SP95 à 1,28€ soit un écart de 23 centimes, alors que l’écart moyen est de 24 centimes dans l’ensemble de la zone euro (pour des prix moyens de 1,05 et 1,29) et même de 26 centimes en Allemagne (1,00 / 1,26). Seule la Grande-Bretagne affiche un gazole plus cher que le SP95 (1,38 /1,36) mais la Grande-Bretagne n’est pas dans la zone Euro et parfois si peu dans l’Union Européenne. Puisque ces prix se situent dans une parfaite moyenne européenne, il serait peut-être prudent de considérer le rééquilibrage tarifaire terminé.

Précisons que ces tarifs européens ne sont pas issus d’une quelconque association de militants diésélistes revanchards, mais du Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Direction générale de l’énergie et du climat qui cite le Bulletin pétrolier de la Commission Européenne. Ils sont librement consultable par tous (et par des parlementaires soucieux de ne pas voter n’importe quoi) sur le site du ministère.

Plus 3,9 centimes de taxes, combien en 2020 ?

S’agissant du tarif du gazole il ne faut pas oublier non plus que la loi de transition énergétique a fixé, au VIII de son article 1, un objectif de valorisation de la tonne de CO2 à 56€ en 2020 (contre à 14€ en 2015 et 22,5€ cette année). Certes ce n’est qu’un objectif, mais passer à 56€ la tonne, ajouterait 8,7 centimes de contribution carbone supplémentaire dans la TICPE par litre de gazole et même 10,5 avec la TVA. À cette occasion l’essence ne serait impactée “que” de 9,2 centimes ce qui induirait au passage “un rééquilibrage naturel” de 1,3 centime.

Dès lors il conviendra peut-être de calmer le jeu dans les années à venir, car si un cours du brent autour de 30$, a permis au prix à la pompe de digérer en janvier l’augmentation de 3,9 centimes, sans plus douleur, cette conjoncture pétrolière favorable n’est en rien garantie de pérennité. Si récemment Morgan Stanley n’excluait pas un point bas à 20$, dans le même temps le consensus Bloomberg tablait sur une remontée du brent autour de 60$. Or chaque fois que l’on ajoute des taxes c’est comme si on précipitait cette remontée et qu’on annihilait l’effet booster de la baisse sur la croissance de notre économie… Croissance dont il est probablement inutile de rappeler la fragilité !

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