Publié le 28 décembre 2023 | par Jean-Pierre Durand

Dès lors que le recours au 49-3 était apparu inéluctable pour que le budget 2024 soit, sinon adopté, considéré comme tel, il restait peu de place pour le débat. En conséquence le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité le 19 décembre, en lecture définitive à l’Assemblée demeure très proche du texte initial de Bercy.

La motion de censure qui sera débattue le 21 décembre n’aboutira évidemment pas dans le contexte politique actuel. Donc sauf censure par le conseil constitutionnel ou autre coup de théâtre tout aussi improbable, voici les principales dispositions avec lesquelles il faudra, bon gré, mal gré, faire fonctionner les parcs automobiles des entreprises en 2024. Rappelons néanmoins que jusqu’à la publication officielle de la loi de finances (attendue au JO du 31 décembre) la “petite loi” reste réputée “provisoire“.

Les malus

Quand l’Union Européenne a annoncé la fin de la vente des thermiques en 2035, d’aucuns avaient pu imaginer qu’il leur restait une petite douzaine d’années pour se laisser convaincre par les inestimables vertus de la voiture électrique. Et éventuellement acquérir une ultime auto “à cylindres”, promise à devenir collector et à ronronner longtemps encore au-delà de 2035… C’était sans compter avec le malus, qui s’emploie insidieusement à précipiter la fin du thermique.

Le malus CO2 dès 118g WLTP

Chaque année, le malus descend son seuil d’application (ordinairement de 5g). C’est devenu une sorte de règle qui, s’applique désormais presque « automatiquement”, sans besoin d’être justifiée et sérieusement argumentée…  C’est, nous dit-on, un “signal”, pour faire comprendre (aux buses que nous sommes) qu’il faut agir, y compris en faisant éventuellement n’importe quoi. Ainsi donc, au 1er janvier 2024, le malus s’appliquera à partir de 118g de CO2 (WLTP) au lieu de 123g en 2023. Par effet de “glissement”, à 141g par exemple, il en coûtera 1074€ (contre 540 en 2023), à 149g la taxe passera à 2049€ (1386 en 2023),  et pour 155g il faudra payer 3119€ (au lieu de 2205) etc.… Avec de tels malus ajoutés (aux augmentations de prix des véhicules) le marché automobile 2024 ne risque pas de faire florès. Et pour mémoire quand ce marché perd 200.000 immatriculations de VN, l’Etat perd environ un milliard de TVA.

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Le plafond dégringole de 32g à 60000€

Mais ce n’est pas tout ! La grille tarifaire ne se contente pas de “glisser de 5g” ; en 2024, elle augmente son taux maximal de 10000€ (à 60000€) et comme si cela ne suffisait pas, elle amorce un “tassement” spectaculaire. 

Alors qu’en 2023 il fallait un taux de 226g pour être taxé au taux maximal de 50000€, il suffira, en 2024, d’un taux de 194g pour être redevable de 60000€ … Autrement dit, le seuil du malus baisse de 5g, mais son plafond – lui – dégringole de 32g… ce qui a pour conséquence “pratique” de sortir du marché la quasi-totalité des véhicules concernés qui, malussés à 60000€ deviennent, en pratique, invendables (et ne génèrent pas de TVA, mais pas de malus non plus). 

Le gouvernement a t-il introduit cette descente vertigineuse du plafond du malus, à titre exceptionnel considérant que l’opacité du 49-3 permettrait de noyer le poisson, ou envisage-t-il déjà de réitérer les années suivantes ???. Le pire est toujours à craindre, mais il est vrai qu’avec de telles méthodes, le VE finirait sans doute par devenir enfin compétitif !

Malus (coup de) masse 

Vous avez aimé le malus CO2, vous aimerez le malus masse. Jusqu’à présent ce dispositif taxait le kilo excédentaire à 10€ quand la masse en ordre de marche du véhicule excédait 1800kg. En 2024, la taxe de 10€/kg s’appliquera dès 1600kg et à partir de 1800kg il faudra ajouter 15€ pour chaque kilo excédentaire, puis 20€/kg à partir de 1900kg etc., etc. ! Voici le barème pour 2024 :

Fraction de la masse en ordre de marche (en kg)Tarif marginal (en €)
Jusqu’à 1 599 
De 1 600 et 1 799 10 
De 1 800 à 1 899 15 
De 1 900 à 1 999 20 
De 2 000 à 2 099 25 
À partir de 2 100 30 

Exemple : pour un véhicule dont le poids en ordre de marche atteindrait 2119 kg (certes un beau bébé) le malus masse serait de 10€x200 + 15€x100 + 20€x100 + 25€x100 + 30€x20 = 8600€. Et si le même engin émettait 194g (ou plus) ces 8600€ s’ajouteraient aux 60000€ de malus CO2… 

Jusqu’à présent, l’article L421-61 plafonnait cette taxation ubuesque (malus CO2 + malus poids) à 50 % du prix d’acquisition TTC du véhicule, mais la loi de finances pour 2024 a prévu d’abroger cet article L421-61… Dès lors, ce ne sont pas seulement les engins les plus luxueux qui paieront le maximum, mais les versions rustiques aussi !

Les TAFE

Les TAFE (ex TVS CO2 et TVS-air) n’échappent pas non plus à l’inflation fiscale.

– Pour la TAFE CO2 on s’était habitué depuis 2021 à une grille tarifaire lissée gramme par gramme, qui avait le mérite d’éviter les effets de seuil. C’était sans doute trop simple, 2024 verra le retour des tranches tarifaires mais cette fois avec “tarif marginal” (les montants de chaque tranche s’additionnent comme pour l’impôt sur le revenu).

Voici le barème de la TAFE CO2 2024 WLTP (il concerne les véhicules acquis neufs depuis l’application de l’homologation WLTP en mars 2020)

Fraction des émissions de CO2 (en g/km)Tarif marginal (en €)
Jusqu’à 14 
De 15 à 55 
De 56 à 63 
De 64 à 95 
De 96 à 115 
De 116 à 135 10 
De 136 à 155 50 
De 156 à 175 60 
À partir de 176 65 

Exemple : Vous avez acquis fin 2022 une auto émettant 140g WLTP. Elle aura payé en 2023 une TAFE/CO2 de 392€. Mais pour 2024 elle devra s’acquitter de : 1€x41 + 2€x8 + 3€x32 + 4€x20 + 10€x 20 + 50€x5 = 683€. 

En observant cette grille tarifaire on distingue facilement les deux inflexions les plus significatives : la première à 116g lors du passage de 4 à 10 €/g puis à 136g lors du passage de 10 à 50 €/g. On pourrait donc être tenté lors des prochains renouvellements de caler sa car-policy sur ces deux repères.… mais ce ne sera pas suffisant car le législateur soucieux de la progression de ses recettes fiscales, a déjà programmé les tarifs 2025, 2026 et 2027. Et dans le projet de loi il est prévu  d’appliquer aussi à la grille tarifaire de la TAFE/CO2 la fameuse règle du “glissement de 5g/an”.  Le tarif de 10€/g s’appliquerait donc dès 111g en 2025, dès 106g en 2026 et dès 101g en 2027. Idem pour le seuil de 50€/g qui descendra aux mêmes échéances de 136g en 2024 à 131, puis 126 pour parvenir à 121g en 2027.

Exonérations : grâces et disgrâces

Jusqu’à présent bénéficiaient d’exonérations définitives ou limitées à trois ans certaines motorisations hybrides et certains véhicules GPL (article L421-125) mais le seul usage du superéthanol E85 n’accordait aucun privilège.  La LOF pour 2024 prévoit une réécriture du 421-125 qui accorderait un abattement de 40% des émissions de CO2 lorsque la source d’énergie du véhicule comprend le superéthanol E85, mais sans plus faire aucune mention ni des hybridations (rechargeables ou pas) ni du gaz (GPL ou GNV). 

Si cette version du 421-125 est confirmée elle pourrait ouvrir des perspectives au post-équipement E85. En revanche elle porterait un niéme mauvais coup à la filière GPL qui depuis 40 ans aura subi tous les caprices de l’écologisme fantoche.

La TAFE Atmosphére

Cette TAFE Atmosphère pourrait être un gag si elle ne coûtait pas 500 balles par an. La TAFE contre les polluants atmosphériques, qui était devenue une TAFE Ancienneté (du véhicule, pas du capitaine) redevient une TAFE contre les polluants atmosphériques. Nous parlerons donc (pour la distinguer de la TAFE CO2) de “TAFE Atmosphère” 

Allons à l’essentiel : le tarif annuel :

Catégorie d’émissions de polluantsTarif annuel
100 
Véhicules les plus polluants 500 

Dans ce tableau il est convenu que 

– la “catégorie E” concerne les véhicules électriques ou à hydrogène, 

– la “catégorie 1” rassemble les moteurs à allumage commandé, (à essence mais aussi à gaz ou E85) Euro 5 ou 6, 

– la “catégorie véhicules les plus polluants” rassemble… le reste : les allumages commandés antérieurs à Euro 5 et vous l’auriez deviné… les diesels qui même quand ils satisfont largement aux exigences d’Euro 6 restent voués aux gémonies de l’écologisme primaire.

Le pick-up : un décret ???

Enfin le PLF prévoit aussi de s’attaquer aux pick-up en tentant de verrouiller plus rigoureusement la frontière entre ceux qui, à une seule rangée de sièges (et éventuellement un rang de strapontins) ont un caractère utilitaire évident et ceux qui homologués à cinq (ou quatre) places seraient considérés “de tourisme” et taxés comme tels, même s’ils présentent des caractéristiques pratiques, voire essentielles, pour certaines activités professionnelles. 

Il y a au moins une quinzaine d’années que le législateur cherche la formulation parfaite pour appliquer, sans trou dans la raquette, une fiscalité mortifère au pick-up dit de tourisme. Pour y parvenir la mouture provisoire du PLF sur laquelle le gouvernement engagera sa responsabilité dans un ultime 49-3 prévoit d’affiner les nuances par un décret. Le conseil constitutionnel conviendra-t-il qu’une disposition fiscale relève de la réglementation et non de la loi… ce serait pour le moins curieux ! Certes dans le cadre du 49-3 c’est l’intégralité du budget qui échappe au contrôle parlementaire mais c’est au moins constitutionnel… sinon idéalement démocratique !

Nous reviendrons bien évidemment, en détails, sur l’ensemble des dispositions de la loi dans le dossier fiscal à paraître dans KMS N°200 daté janvier-février, et cette fois sur la base du texte définitif.

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