Publié le 3 mai 2021 | par Rédaction

Des bureaux vides, des places de parking désertes dans les sous-sols des immeubles de bureau, des accès aux grandes métropoles de France relativement faciles, des autoroutes sans trafic, le télétravail poussé par le gouvernement depuis un an a un impact important sur la mobilité professionnelle. Si les collaborateurs sont amenés à moins se déplacer dans un cadre professionnel, quel est dès lors la place de la voiture de fonction ? A-t-elle encore une utilité ?

Dossier réalisé par Christophe Bourgeois

teletravail_icono_photo1.jpg Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Lors du premier confinement du printemps dernier, l’Île-de-France s’est vidée de ses habitants. Si Paris n’est pas la France, sa région concentre néanmoins 30 % de la richesse nationale, d’où l’impact important qu’a eu ce grand exode vers la province qui a concerné 17 % des Franciliens et près d’un Parisien sur quatre sur les nouvelles habitudes de travail. Jusqu’ici assez peu pratiqué en France, le télétravail est devenu la norme dans certaines entreprises depuis le début de la pandémie. Pour autant, « on ne connait pas avec certitude le pourcentage de télétravailleurs en France, peut-on lire sur le site teletravail.fr, site émanant du Commissariat général à l’égalité des territoires. Ce chiffre varie entre 8 % et 17,7 % selon les sources. » À titre de comparaison, « le taux moyen en matière de télétravail affiché par l’Europe est d’environ 20 % voire 30 à 35 % dans les pays du nord de l’Europe. » Ce pourcentage fluctue énormément en fonction des restrictions imposées par le gouvernement, mais une étude publiée par le Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, en date de novembre dernier, lors de la mise en place du deuxième confinement, a mis en avant que 32 % des salariés interrogés pratiquaient le télétravail partiellement ou en totalité de leur temps.
teletravail_icono_photo2.jpgSi un nombre non négligeable de salariés restent désormais chez eux pour travailler, quelle est dès lors la place de la voiture de fonction ? « Structurellement, nous n’observons aucune évolution sur ce sujet, marque Guillaume Maureau, directeur général adjoint en charge du commerce et du marketing chez ALD. La voiture de fonction fait partie d’un package salarial et il n’est pas question d’y toucher. » Même discours chez Alphabet. « Si certaines sociétés se posent la question de présenter des offres alternatives à la voiture individuelle, aucune ne les a imposées. Le collaborateur a toujours son mot à dire », note Stéphane Crasnier, président-directeur-général d’Alphabet France. Et dans 99,9 % des cas, c’est la voiture qui l’emporte.

Des contrats plus adaptés aux besoins

Pour autant, le télétravail a néanmoins eu quelques impacts non pas sur la voiture de fonction en tant que telle, mais sur son usage, même s’il est assez difficile pour les loueurs d’avoir une vision complète du marché. Car tant que le véhicule n’a pas été restitué, impossible d’avoir des données précises, excepté pour les contrats au demeurant peu fréquents, qui incluent la carte essence. « Le kilométrage moyen s’est en effet tassé, mais nous n’avons pas enregistré de baisse violente, car le confinement « dur », n’a duré finalement que deux mois », relativise Stéphane Crasnier qui rappelle en parallèle, que le kilométrage moyen connaissait déjà une baisse structurelle depuis plusieurs années. Guillaume Maureau note une baisse moyenne de 30 % du kilométrage annuel en 2020. « Nous avons enregistré une légère baisse du kilométrage avec une demande de rallongement du temps de la location, de l’ordre de trois mois, et ce, plutôt chez les grandes sociétés », indique de con côté, Cyril Châtelet, directeur commercial et marketing chez Leaseplan. Mais ce dernier relativise cette baisse du kilométrage. « Nous avons aussi repris des véhicules qui au final avaient plus de kilomètres que prévu, car une partie de la clientèle les avaient utilisés à des fins privées. » En résumé, ces voitures qui servaient auparavant à faire principalement des trajets domicile-travail au quotidien ont plus été utilisées pour rejoindre une résidence secondaire, du moins pour ceux qui en disposaient d’une, dans le but de prendre ses quartiers pour le télétravail, voire de faire de nombreux allers-et-retours lorsque le collaborateur devait faire un peu de présentiel. « Et comme ce sont souvent des lieux où la concentration des services et des commerces est moindre que dans les grandes agglomérations, les voitures ont donc plus roulé au quotidien », souligne un des acteurs de la location longue durée interviewés.

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La durée des contrats a également évolué, mais à la marge. Si les grands comptes n’ont pas modifié leur contrat, « car ils ont gardé leur cycle de location », indique Stéphane Crasnier, cela a été différent pour les TPE-PME. « Nous avons noté des besoins beaucoup plus hétérogènes pour ces entreprises et nous avons fait du cas par cas. » « Notre stratégie n’a pas été de renouveler la flotte mais de l’optimiser en fonction des besoins de nos clients », note Margy Demazy, directrice commerciale chez Arval. « La crise sanitaire n’a pas diminué le nombre de véhicules de fonction mais en a modifié son utilisation, appuie de son côté Guillaume Maureau. Nous avons vu des demandes de contrats plus longs avec des kilométrages plus faibles. »

Des loyers en baisse

Ces réajustements de contrat ont-ils eu impact sur les loyers ? Les véhicules roulant moins, les acteurs de la location longue durée ont-ils revu leurs valeurs résiduelles ? Et qu’en est-il des frais liés à l’entretien ? Tous les acteurs s’accordent à dire que les loyers n’ont pas augmenté. « À chaque fois que cela nous était demandé, nous avons réadapté les contrats en fonction des besoins des nos clients et dans certains cas, les loyers ont été diminués », indique Guillaume Maureau. Les valeurs résiduelles n’ont pas évolué et lorsque les lois de roulage ont bougé, l’impact a été négligeable. « Nos VO rentrent toujours avec des durées 44/46 mois et maxi 90 000 km », poursuit-il. Mais attention au décalage temporel. Les véhicules qui reviendront chez les loueurs et qui ont connu le confinement pourraient changer la donne.

La pandémie a surtout été l’occasion pour les entreprises de revoir la structure de leurs flottes. « Tous les feux sont au vert pour que les entreprises fassent évoluer leur flotte et passent sur des modèles électrifiés » note Guillaume Maureau. « Les véhicules roulent moins, les collaborateurs sont sensibilisés à l’environnement, tout comme les entreprises, le réglementation et la fiscalité poussent dans ce sens et les constructeurs ont désormais une offre assez fournie. » Un avis partagé par Margy Demazy. « Le fait que les véhicules roulent moins a amplifié la mise à la route de véhicules électrifiés, observe-t-elle. Arval enregistre une progression de 120 % des commandes d’hybrides et hybrides rechargeables. Le confinement a permis à certaines entreprises de remettre les choses à plat et de mieux adapter leurs flottes à leurs réels besoins. » Pour autant, Stéphane Crasnier tempère cette prise de conscience « écologique ». Si chez Alphabet, la part de marché des modèles électrifiés représente 22 %, « c’est indéniablement plus la fiscalité et dans une certaine mesure, l’offre désormais plus large de modèles électrifiés disponible chez les constructeurs que les lois de roulage qui dicte le choix des dirigeants ou des gestionnaires de flotte », fait-il remarquer. « Nous allons passer d’une époque mono-énergie, à savoir le diesel, à une époque multi-énergies. Le diesel n’est pas mort, il sera juste une partie de la solution mobilité car il correspond encore à certains besoins », tient à rappeler Guillaume Maureau.

Tous en voiture !

La voiture sort-elle alors finalement « gagnante » de la pandémie ? Chers lecteurs de KMS Entreprise, vous connaissez notre amour pour la chose automobile, et si le terme peut paraître un peu fort, il est vrai que les acteurs de la location longue durée notent un certain engouement pour ce qu’ils appellent « la mobilité individuelle ». « Nous vivons une situation paradoxale, constate Stéphane Crasnier. Bien que l’offre de solutions de mobilité alternatives, qui passe notamment par les transports en commun n’a jamais été aussi importante, nous observons que la mobilité individuelle est fortement plébiscitée avec un fort appétit pour la voiture. » « Elle est considérée comme un cocon », note Margy Demazy. Une étude récemment réalisée par Leaseplan montre d’ailleurs que la demande de voiture reste toujours élevée. « 65 % des personnes interrogées ont moins envie de prendre les transports en commun », présente Cyril Châtelet. A contrario, 76 % d’entre eux « sont plus enclines à utiliser leur propre voiture particulière (cf encadré) ».
Pour Guillaume Maureau, le télétravail et ses conséquences directes entrainent un besoin de mobilité individuelle qui passe principalement par l’automobile. « Ce n’est pas parce que le marché du VN est en baisse que les Français n’ont pas besoin de voiture », souligne-t-il. Avec une progression de 18,2 % sur le premier trimestre 2021, le marché du VO se porte en effet très bien et certains acteurs de la location se sont d’ores et déjà positionnés. « Nous avons lancé une offre de LLD sur le VO l’année dernière à destination des particuliers et nous observons une certaine appétence pour ce type d’acquisition », complète-t-il. Cette offre sera d’ailleurs prochainement ouverte aux professionnels.
La location longue durée tire elle aussi les bénéfices de la situation actuelle. « Par nature, cette solution permet beaucoup de flexibilité », indique Stéphane Crasnier. Au niveau national, Arval a enregistré une progression de 1,5 % avec un parc de 339 000 véhicules loués en 2020. « Cette progression n’est pas propre à la France », indique Margy Demazy. Le marché européen fait d’ailleurs même mieux avec une augmentation de 6,4 % pour Arval. « Avec le développement des nouvelles technologies et l’évolution des usages si le télétravail perdure dans ce sens, beaucoup de dirigeants se posent la question d’acheter ou de louer leur véhicule », observe Cyril Châtelet.
Car d’une manière générale, télétravail ou pas, les acteurs de la location longue durée restent confiants sur la place du véhicule de fonction, tout comme d’ailleurs les constructeurs « L’automobile reste un outil de rémunération et d’attrait pour les collaborateurs », rappelle Hugues de Laage, directeur des ventes BtoB chez Stellantis. « L’automobile va sortir renforcée de cette crise sanitaire, prévoit Guillaume Maureau. Les loueurs observent que la demande évoluera, ce qui est déjà le cas. « Certaines entreprises se penchent sur des véhicules plus petits, moins motorisés, mais plus électrifiés et surtout mieux dotés », indique-t-il. « Nous estimons que le télétravail va continuer car il existait déjà avant la crise sanitaire, ajoute de son côté Margy Demazy. Il ne nuira pas aux flottes d’entreprise, mais les gestionnaires vont adapter leur offre aux potentiels nouveaux usages de la voiture. » La voiture de fonction a donc encore de beaux jours devant elle. Quitte à ce qu’elle reste brancher toute la journée à une prise dans l’allée de la maison.


Le VU ne connait pas crise

teletravail_icono_photo4.jpgSelon les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), les commandes de véhicules utilitaires ont progressé de 19,7 % depuis le début de l’année contre 13,5 % pour les véhicules particuliers. Et depuis un an, si l’on met de côté le creux du mois d’avril 2020, au moment du premier confinement, le marché a connu une belle progression pour dépasser les 400 000 unités. Les quelques concessionnaires interrogés en France sur le sujet soulignent tous un marché très dynamique, porté principalement par les artisans. « Beaucoup de Français ont choisi d’améliorer leur bien immobilier », note un concessionnaire d’Auxerre (Yonne). Et « malgré la violente chute de 15 % de l’activité en 2020, le bâtiment tient, » comme peut-on lire sur le site de la Fédération française du bâtiment. Grâce aux puissantes mesures de soutien public rapidement décidées et à un déconfinement réussi, l’emploi a été préservé et les entreprises ont survécu au choc. » Ce qui se traduit par l’achat de VU.
Autres secteurs qui porte le VU, les expressistes. « Le confinement et le télétravail ont entrainé une forte demande de livraison à domicile », souligne Guillaume Maureau, directeur général adjoint en charge du commerce et du marketing chez ALD qui observe une progression de 30 % en prise de contrat sur la location longue durée. Selon les chiffres de la FEVAD (Fédération e-commerce et ventes à distance), le secteur du e-commerce a effet atteint un chiffre d’affaires de 112 milliards d’euros en 2020, soit une progression de 8,5 %, fortement poussé par les ventes de produits sur internet qui ont progressé de 32 % par rapport aux services qui, eux, ont chuté de 10 %, entrainés par la baisse importante de 47 % enregistrée par les secteurs du voyage et du tourisme. La FEVAD note que le e-commerce représente aujourd’hui 13,4 % du commerce de détail contre 9,8 % en 2019. Pour faire face à cette progression, il faut donc des camions, et surtout des utilitaires, pour livrer les clients.


La pandémie redonne des couleurs à l’usage de la voiture

Leaseplan a réalisé une étude appelée « L’accès à une voiture dans la « nouvelle normalité » ». « La crise de la COVID-19 nous a montré comment des événements inimaginables pouvaient changer le monde du jour au lendemain, indique l’étude. Toutes les normes sociales que la société considérait comme acquises depuis des décennies ont brutalement changé et nous vivons actuellement dans une « nouvelle normalité » qui a fondamentalement modifié la manière de penser du monde sur tout un éventail de sujets, et notamment la mobilité. » Réalisée dans 22 pays de l’OCDE, les conclusions sont sans équivoque. « Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les personnes interrogées sont devenues beaucoup moins enclines à utiliser les transports en commun (65 %) et plus enclines à utiliser leur propre voiture particulière (76 %), indique en introduction le rapport. La plupart des répondants (79 %) déclarent que la pandémie les a rendus plus sensibles à la sécurité et au confort que procure la possession de leur propre véhicule. Et contrairement à des idées reçues, toutes les tranches d’âges sont concernées et sollicitent la voiture.
En complément, plus de la moitié des répondants (53 %) déclarent que depuis le début de la pandémie de COVID-19, ils considèrent plus sérieusement le changement climatique comme une menace mondiale. Pour un grand nombre (47 %), cette prise de conscience accrue les a rendus plus enclins à passer à un véhicule électrique zéro émission dans le cadre d’une future acquisition afin de réduire leur empreinte carbone et maintenir la qualité de l’air du début de la pandémie.
Enfin, l’étude montre également que dans 47 % des cas, la voiture est utilisée principalement pour le travail. La proportion pour les loisirs est exactement la même tandis que l’utilisation pour les vacances représente seulement 6 % des cas. Plus de la moitié des personnes interrogées ont l’intention d’acheter ou de louer une nouvelle voiture dans les cinq ans à venir.


« L’automobile reste un outil de rémunération et d’attrait pour les collaborateurs »
Hugues de Laage, directeur des ventes BtoB chez Stellantis

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KMS : Avez-vous noté un impact du télétravail sur les ventes à société ?
H. de L. : Effectivement, on aurait pu imaginer que le fait que les collaborateurs des entreprises ne se déplacent plus ou beaucoup moins aurait un impact sur les ventes de voitures à société. Il n’en a rien été. En 2020, ce canal a connu une belle progression et depuis le début de l’année, à fin février, il a enregistré une hausse de 25 % et chez Stellantis, nous enregistrons même une hausse de 31 %.

KMS : À quoi attribuez-vous cette progression ?
H. de L. : Télétravail ou pas, les gens ont toujours besoin de se déplacer, ce serait-ce que pour faire leurs courses. Nous observons en parallèle une baisse de la fréquentation des transports en commun, ce qui signifie que les gens se déplacent le plus possible en voiture. De leur côté, les entreprises ont continué à renouveler leur flotte, même s’il y a eu une baisse conjoncturelle lors du premier confinement.

KMS : Avez-vous observé des modifications des lois de roulage ?
H. de L. : À l’heure actuelle, pas réellement. Par contre, nous avons enregistré de belles progressions sur notre offre électrifiée. Nos clients sont de plus en plus sensibles à ces produits, aussi bien portés par la réglementation et la fiscalité que par l’usage. Ainsi, le PHEV (hybride rechargeable) sur le canal BtoB représente 50 % des ventes du DS7 Crossback, 40 % de celles de la Peugeot 508, 30 % du C5 Aircross et 25 % du Peugeot 3008 pour ne citer que ces modèles.

KMS : Et concernant le type de voitures ?
H. de L. : Encore ici, pas de réelles évolutions. Le SUV du segment C reste toujours fortement plébiscité par nos clients.

KMS : Le marché BtoB semble également soutenir les ventes flottes…
H. de L. : Le marché du VU connait en effet une très belle progression depuis le début de l’année. Au sein du groupe Stellantis, nous enregistrons une augmentation des commandes de 35 % au premier trimestre.

KMS : Comment voyez-vous l’avenir ?
H. de L. : Difficile à dire. Avec le développement du télétravail, les habitudes ont indéniablement évolué mais difficile à dire dans quelles proportions. Les lois de roulage vont-elles évoluer ? Si le kilométrage diminue, quel sera l’impact sur les loyers, les valeurs résiduelles et les frais de remise en état ? Difficile à dire à chaud, mais une chose est sûre : l’automobile reste un outil de rémunération et d’attrait pour les collaborateurs.

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