Publié le 29 avril 2008 | par Rédaction

Un baril À 100 dollars, une nouvelle donne environnementale… Patrick HAAS, pdg de BP France et président de l’UFIP, nous parle du pétrole, de l’automobile et de leur avenir commun.

Chaque jour le dollar chute et le prix du baril s’envole, et alors que la récession menace dans les pays industrialisés, on invoque la croissance mondiale pour expliquer la spéculation sur le cours du brut. Dans le même temps, la chasse au CO2 et les dispositions fiscales nous incitent à l’économie énergétique, sans qu’on ait réellement l’impression de pouvoir infléchir significativement ni le climat économique ni celui de la planète. patrick_haas_BP_2008ter.jpg Patrick Haas est habitué à scruter les horizons et à anticiper : il était initialement commandant de tanker à la Maritime BP, avant de poser sac à terre en 1984 et de poursuivre sa carrière dans le groupe BP pour prendre en charge le trading de brut et d’approvisionnements de BP France, puis de l’ensemble des raffineries BP d’Europe. Il a dirigé ensuite à Londres, toujours pour BP, la planification de la stratégie globale pour le raffinage et la distribution. Il est aujourd’hui président de BP France (depuis 2004) et président de l’UFIP (Union française des industries pétrolières) depuis 2006. KME : Notre première question sera plus simple que la réponse qu’elle appelle : où nous emmène la tempête pétrolière ? Patrick Haas : Je ne vous surprendrai pas en disant que les paramètres sont pour le moins changeants avec des prix du brut extrêmement volatils. De nombreuses incertitudes pèsent sur les projections économiques (aux USA et en Europe) sur la situation géopolitique dans des pays stratégiques pour la production (Nigeria, Irak, Iran, Venezuela…), et sur l’équilibre de l’offre et de la demande qui subit de fortes tensions (en particulier en Asie). D’autre part, l’Angola et l’Equateur (qui pèsent 2,2 Mb/j) viennent de renforcer le rôle de l’OPEP, alors que la production des compagnies pétrolières internationales ne représente que 16% de la production mondiale et 6% des réserves. Les prix apparaissent durablement élevés pour le brut, mais aussi pour les produits qui doivent prendre aussi en compte les coûts d’exploration et de production. KME : La politique environnementale influence-t-elle les perspectives ? P.H. : Nous observons effectivement une nouvelle donne environnementale économiquement et sociétalement déterminante avec notamment les évaluations du GIEC, la réunion de Bali, les objectifs européens « 3×20 » en 2020, le Grenelle de l’environnement… Tout ceci impacte profondément l’ensemble de la chaîne pétrolière : exploration, production, raffinage (quotas d’émissions CO2, qualité de l’air et de l’eau), distribution (soufre, biocarburants) et s’accompagne d’une prise de conscience généralisée de la nécessité de mettre en place des politiques d’économies d’énergie et de développer des énergies renouvelables. KME : En France, cette prise de conscience se traduit-elle dans la consommation de produits pétroliers ? P.H. : Les chiffres font apparaître en 2007 une chute sensible de la demande française de produits pétroliers. À 84,2 Mt l’an dernier, le marché français est au niveau des années 90/96, nettement en dessous du pic de la période 1998-2001 (88/89 Mt). patrick_haas_BP_2008bis.jpg KME : Mais la consommation de carburant a repris sa croissance… P.H. : Sur les quatre dernières années, c’est relativement stable pour l’ensemble des carburants qui comprennent les carburants automobiles, mais aussi les fiouls lourds, le fioul domestique et les carburéacteurs : +0,20% en 2004, -1,10% en 2005, +0,4 % en 2006, +1,3% en 2007, mais il y a dans ces chiffres des tendances beaucoup plus sensibles : la consommation de supercarburant continue de fléchir depuis la fin des années 80 (9,9 Mt en 2007), alors que celle du gazole s’accroît constamment (33 Mt l’an dernier). KME : Le parc compte 36 millions de véhicules, le renouvellement annuel est de l’ordre de 2,5 millions, l’impact de l’évolution technologique est inévitablement lent… P.H. : En travaillant sur la qualité des carburants nous avons l’avantage d’un impact sur l’ensemble du parc. Chez BP notamment, nous continuons à développer des produits qui contribuent aux réductions de consommation comme les carburants BP Ultimate moins polluants et plus performants. Même démarche pour les lubrifiants comme l’huile Castrol Hedge qui optimise les démarrages à froid, réduit les frictions et conserve ses performances beaucoup plus longtemps. Cette optimisation de la qualité est particulièrement évidente sur les lubrifiants : dans les années 70, il était d’usage de faire la vidange d’un véhicule tous les 5.000 km, on voit aujourd’hui couramment des préconisations à 30.000, et à terme on envisage déjà les 50.000 km. KME : Les gazoles additivés sont aussi plus chers. P.H. : Mais avec un bénéfice écologique et un indice de cétane différent, au bénéfice des performances. Les carburants de la gamme Ultimate permettent de réduire les hydrocarbures imbrûlés (jusqu’à 35% en moins) et de faire plus de kilomètres (jusqu’à 36 km de plus par plein). À propos des prix à la pompe, précisons que dans un litre de S95 vendu 1,34 euro, il y a 39 centimes de brent et 82 centimes de taxes, la distribution et le raffinage interviennent respectivement pour 11 et 2 centimes. Dans un litre de gazole à 1,20 euro le raffinage compte pour 8 centimes, la distribution pour 10, le brent pour 39, et les taxes pour 63 centimes. Les taxes (TVA et TIPP) représentent 52% du prix à la pompe pour le gazole et 61% pour le S95. KME : La filière de bio-carburants, notamment avec l’E85 beaucoup moins taxé, avait suscité beaucoup d’enthousiasme, mais elle semble… faire “pschitt” ! patrick_haas_BP_2008.jpg P.H. : Il y a des interrogations légitimes, et vraisemblablement des impacts négatifs même dans l’usage de matières renouvelables. Le programme E85 a pris du retard, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le programme européen vise une incorporation de 10% d’agro-carburants (en moyenne) dans les carburants d’ici 2020. C’est ambitieux mais possible. De plus, BP et d’autres groupes pétroliers travaillent à une seconde génération de bio-carburants développés à partir de végétaux nouveaux qui exigeront moins d’eau et moins d’engrais et qui n’entreront pas en concurrence directe avec les cultures agricoles classiques. Selon les estimations de BP, il n’est pas impossible, à terme, de parvenir à couvrir le tiers des besoins automobiles de la planète par incorporation de ces bio-carburants, L’incorporation progressive permet d’impliquer une part très importante du parc et de maîtriser les coûts de distribution. Les bio-carburants, mais aussi le GPL et le GNV apporteront également une partie de la solution sans toutefois remplacer le pétrole qui longtemps encore restera disponible, économique et efficace. Le réchauffement climatique est un problème global dans lequel interfère l’ensemble des activités habitat, transports, industries et énergies, et cela sur l’ensemble de la planète. Les solutions doivent donc aussi être globales. Dans le secteur automobile les industries pétrolières et automobiles travaillent ensemble sur les technologies et sur les carburants pour préparer l’avenir. Propos recueillis par Louis Daubin et jean pierre durand

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