Un nouveau calcul du malus se précise. La taxation débutera à 50 € pour 127g et s’envolera à 10.000 € pour 191g, mais le pire est au milieu de la courbe ! Comme nous vous l’avions déjà signalé, le malus sera progressif “gramme par gramme” de façon à éviter les effets de seuil. Délicate attention. Mais on redoutait, non sans raison, que la courbe fût “moins creuse” pour impacter davantage les valeurs moyennes, sachant que la recette du malus doit compenser dans un compte d’affectation spéciale, le généreux bonus des véhicules électriques dont les ventes progressent gentiment.
LE GRAMME SUPPLÉMENTAIRE « AU CARRÉ»
Bercy nous a donc bidouillé un savant calcul, qui part de 50 € pour 127g. Certes on n’arrive qu’à 90 € pour l’ancien seuil de 131g mais à 135g on se retrouve déjà à 210 € (pour mémoire, en 2015, le malus restait uniforme à 150 € pour la tranche 131 à 135g). Cependant jusque là, l’incidence demeure relativement indolore. Mais ensuite ça se corse façon exponentielle. Le calcul prend en effet en compte chaque gramme supplémentaire “au carré”. Ainsi considérant la base de 127g, vous calculez le carré de chaque gramme supplémentaire que vous multipliez par 2,5 € et vous ajoutez ce produit aux 50 € déjà dus pour les 127g de base.
EXEMPLES
Si votre véhicule émet 149g, soit 22g de plus que les 127g de base, vous calculez le carré de 22 que vous multipliez par 2,5€ soit 1.210 € supplémentaires qui s’ajoutent aux 50 € de base soit un malus de 1.260 €. Contre 900 € en 2016 !
Idem pour 168g. On a alors 41g supplémentaires soit (41x41x2,5)+50 qui nous valent un malus de 4252,5 €, arrondi à l’ € supérieur à 4503 €. Pour 168g en 2016, il n’en coûtait que 2.200 €… dans cet exemple, on double !
Et ainsi de suite jusqu’à 190g, car pour 191g vous auriez du payer (41x41x2,5)+50 soit 10.290 € que Bercy arrondit généreusement à 10.000 €. Néanmoins l’an dernier pour 191g on ne vous demandait “que“ 6500 € et au maximum 8.000 € pour 201g et plus.
Si votre calculette manque de piles, le tableau ci-contre résume, en clair, “gramme par gramme”, le tarif qui sera soumis au débat parlementaire dans quelques jours.
AMORTISSEMENT : UN PLAFOND “VERT” À 30.000 € !
Si le malus est une taxe qui s‘applique à tous les véhicules une “incitation au verdissement” est prévue pour les véhicules des entreprises à l’article 42 du projet de loi de finances 2017. Le plafond d’amortissement – gelé à 18.300 € depuis 1997 serait porté à 30.000 € pour les véhicules émettant moins de 60g (dans les faits cela ne concernerait que les VE et les hybrides rechargeables). Mais en revanche le plafond “surbaissé” à 9.900 € qui s’appliquait depuis 2006 aux véhicules émettant plus de 200g s’appliquerait à partir de 156g en 2017 et il est même programmé d’abaisser ce seuil progressivement jusqu’à 131g en 2021 (soit 151g en 2018, 141g en 2019, 136g en 2020).

Et le gouvernement de préciser : cette évolution participera au financement du relèvement de l’amortissement pour les véhicules les moins émetteurs de CO2. Autant de visibilité fiscale pourrait surprendre, et presque ravir… Rappelons néanmoins, même si le gouvernement semble parfois l’oublier (ou tenter de s’en prémunir) que d’ici 2021 de l’eau passera sous les ponts et que la fiscalité de 2021, (voire déjà de 2017 par l’effet d’un collectif budgétaire) pourrait selon toute vraisemblance relever de la XIVe législature.
CARBURANTS : LE “RÉÉQUILIBRAGE” SE POURSUIT
Christian Eckert, auditionné le 21 septembre dernier à l’Assemblée Nationale dans le cadre de la “mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale” (sic) avait déjà dévoilé a cette occasion quelques-unes des dispositions qui impacteront la fiscalité automobile en 2017 Et notamment outre le malus “au gramme près” déjà évoqué ci-dessus, le bonus recentré sur le VE, le rééquilibrage tarifaire essence gazole et la (probable ?) déduction “progressive” de la TVA de l’essence.
ENCORE 3,9CTS DE PLUS POUR LE GAZOLE
Pour les carburants d’abord il a confirmé la poursuite de la valorisation de la tonne de CO2 dans le cadre de la contribution énergie-climat. Rappelons que de 7 € la tonne en 2014, on est passé à 14 € en 2015, puis à 22,5 en 2016 et qu’il est désormais prévu 30,5 € en 2017, ce qui est au demeurant conforme à la trajectoire fixée dans l’objectif de 56 € la tonne en 2020 défini par la loi de transition énergétique en juillet 2015. Cette nouvelle tarification se traduira pour la contribution énergie climat incluse dans la TIPCE, par environ 2,5 centimes sur le litre de gazole et 2 centimes sur l’essence. Le ministre a aussi annoncé la poursuite annualisée du rééquilibrage tarifaire essence/gazole, le fameux “-1/+1” qui selon l’estimation du ministre rapporte 250 à 300 millions par an aux finances publiques. Le tout affecté de la TVA se traduirait donc par un nouveau surcoût du gazole d’environ 3,9 cts au 1er janvier 2017.
Pour l’instant le cours du baril de brent navigue aux alentours de 50$ ces surcoûts s’appliquent donc sur une base contenue. Mais gare à un éventuel retour de tension entre l’offre et la demande pétrolière, tension qui, il est vrai, n’est pas allée au-delà du frémissement quand l’Opep a annoncé fin septembre une réduction de sa production, sachant que les gisements américains de pétrole de schiste n’attendaient que cela pour augmenter la leur. Mais à terme la baisse des cours pesant sur les investissements, il n’est pas garanti que le point d’équilibre du marché reste ad vitam autour des 50$. Cela ne semble pas pour autant, remettre en question le principe d’une “convergence tarifaire en six ou sept ans”, convergence qui s’effectuera essentiellement au détriment du gazole
TVA ESSENCE: LE PARLEMENT DIRA…
Toutefois pour les entreprises assujetties à la TVA, la convergence pourrait avoir un aspect positif. L’idée d’étendre le droit à déduction de la TVA à l’essence semble en effet progresser. Si
Christian Eckert s’y était formellement opposé au nom du gouvernement, l’an dernier en seconde lecture lors du débat budgétaire, il sait que ce sujet récurrent ne manquera pas de revenir en débat dès les prochaines semaines. Et de commenter : “le Parlement aura l’occasion de dire à quel rythme et quel niveau, mais l’idée de progressivité me semble essentielle… ”
Autrement dit on n’aurait pas immédiatement, 100% de récupération de TVA sur l’essence des VU et 80% sur celle des VP comme pour le gazole, mais sans doute pourrait-on y parvenir progressivement. Et cette fois le gouvernement pourrait, sinon le proposer, ne pas s’opposer à un vote en ce sens de l’Assemblée… À suivre !
BONUS RÉSERVÉ AUX “BRANCHÉS”
Parmi les évolutions fiscales
Christian Eckert a également évoqué une révision du bonus. Ce bonus (qui ne relève pas directement de la loi de finances mais d’un décret ministériel) serait “recentré sur son cœur de cible : le véhicule électrique”. Il devrait rester de l’ordre de 6.000 € pour ces VE. Un bonus serait également maintenu pour les hybrides rechargeables (bonus déjà réduit à 1.000 € l’an dernier) mais il sera “éteint au 1er janvier 2017” pour les hybrides non rechargeables (qui ne bénéficiaient déjà plus que d’un forfait réduit à 750 €).
RIEN DE TOUT CELA N’EST DÉFINITIF
Ces “révélations” du secrétaire d’Etat au budget, ne sont pas de simples confidences de couloir récoltes à la sauvette, elles ont été faites devant une mission parlementaire et d’ailleurs sont confirmées par le projet de loi de finances qui a été présenté le 28 septembre en Conseil des Ministres et déposé le même jour sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Mais rien ne sera définitif avant l’achèvement du débat parlementaire qui débutera le 18 octobre à l’Assemblée et dans les semaines suivantes au Sénat. Le tout dans un climat de campagne électorale, où chaque chapelle voudra faire entendre sa voix, et négocier ses investitures.
Il faudra donc probablement attendre la lecture définitive par l’Assemblée sachant qu’un vote en termes identiques des deux chambres est plus qu’improbable. Sans oublier le recours rituel devant le Conseil Constitutionnel dans les derniers jours de décembre, pour parvenir enfin à la publication au JO avant la Saint Sylvestre. Bref on en reparlera.
Jean-Pierre Durand
-
Documents joints